• Angela Melitopoulos : « Transfer » (et autres mouvements)

    angela melitopoulos - transfer

    C'est au musée K21 de Düsseldorf (exposition Big Picture II) que j'ai découvert Angela Melitopoulos, avec une vidéo réalisée dans le métro parisien en 1991. transfer.jpg

    Le bruit intra-utérin du métro parisien. Des instants rapides étirés sur cette bande sonore, des images du quotidien du monde souterrain où la foule s'agite lentement, enfermée. 
    Vie-violence, en suspension.
    Morbidité, visages en pointillés, des solitudes attendent, des signaux leur indiquent une sortie qu'ils ne prendront jamais: on ne se sort pas comme ça d'un cauchemar intégré, ni de l'Enfer d'un cocon brodé de publicités.

    La video est visible en ligne sur le site Heure exquise ! 
    (centre national pour les arts video).

    Ce film a obtenu Prix spécial du jury au festival vidéo des Canaries 1992 et le Premier prix du 5ème Marler VideoKunst Preis en 1992.

     

    angela melitopoulos

    Née à Munich en 1961, Angela Melitopoulos a la double nationalité allemande et grecque. Elle a fait ses études à l'Académie des Beaux-Arts de Düsseldorf avec notamment Nam June Paik (considéré comme le fondateur de l'art video) et s'est spécialisée dans les médias électroniques depuis 1986.

    Elle a créé des monobandes expérimentales, des installations vidéo, des essais vidéo et des documentaires souvent sur les thèmes de la mémoire et du temps, de la migration, de la relation entre les médias et la norme.

     Angela Melitopoulos a vécu à Paris de 1986 à 1995 où elle a collaboré et fondé avec le sociologue et philosophe Maurizio Lazzarato les collectifs médiatiques «Canal Déchaîné» et «Chaos Média» (avec par exemple la production de vidéos pendant la Guerre du Golfe en collaboration avec Félix Guattari et Serge Daney) tout en publiant des textes théoriques et des articles. 

    À partir de 1985 son travail a été récompensé dans des expositions internationales de vidéo et de nombreux festivals de cinéma : Berlinale, festival vidéo et film de Locarno, EMAF (Osnabrück), Film and Video Festival de Montréal, ainsi que dans des expositions d'art contemporain et des musées comme le Manifesta 7, le Centre Georges Pompidou à Paris, le Whitney Museum de New York, la fondation Antonin Tapies de Barcelone, le KW Institute for Contemporary Art de Berlin, le Kölnischer Kunstverein, le Musée d'Art Moderne de Montréal, et le Musée des Arts de Düsseldorf (Kunst 21). Ses vidéos ont fait l'objet d'articles dans les magazines «Aspekte» de la ZDF, «Experimente» de la WDR, sur Canal Plus, la MTV New York, et sur la RTBF à Bruxelles. Elle a reçu des bourses d'institutions allemandes, italiennes et grecques et collabore également avec la Turquie.

    À Cologne, elle a co-fondé le label AVRIL et organisé des expositions, des conférences et des publications (CD, DVD, impression). Elle serait actuellement doctorante à la Goldsmiths College de Londres et chercheur au Laboratoire Matrix East à l'Université de East London. Ses derniers projets de recherche Timecapes / B-Zone ont été présentés durant l'hiver 2005-2006 à l'Institut d'art contemporain KW à Berlin, avec une publication du livre «zone B» (Edition Actar).

    En 2000, elle a réalisé la video Passing Drama qui reflète l’image sonore de l’histoire de ma famille, dit-elle:

     

     

    Angela Melitopoulos commente sa video :

    «Drama» est le nom d’une petite ville de la Grèce septentrionale, où s’étaient installés de nombreux réfugiés (dont mes grands parents) d’Asie mineure, qui avaient survécu au traumatisme de la dite «catastrophe d’Asie mineure». Entre 1922 et 1925, les minorités grecques vivant dans différentes régions de l’Asie mineure (environ 1,5 millions de personnes), de la Turquie d’aujourd’hui, furent déportées et exilées. Beaucoup d’enfants de ces réfugiés (dont mon père), qui étaient nés dans des villages autrefois turcs situés en Grèce septentrionale (la population musulmane d’environ 500.000 personnes fut exilée de Grèce après le traité de Lausanne de 1923) ou qui avaient vécu l’exode (de Turquie) alors qu’ils étaient encore des enfants, sont venus en Autriche et en Allemagne en 1942 pour effectuer des travaux forcés. Cette partie du Nord de la Grèce avait été occupée par l’armée bulgare, qui était alliée avec Hitler. Ce furent la pauvreté, le racisme, le fait de cacher des faits historiques, mais avant tout, le besoin profond d’oublier les expériences traumatisantes de la déportation de Turquie et des travaux forcés lors de la deuxième guerre mondiale qui marquèrent cette image sonore d’une fuite racontée de nouveau à maintes reprises d’une génération à l’autre et d’un endroit à l’autre.

    L’association du titre «Passing Drama» à la scène et au film entend indiquer le caractère performatif du récit. Le «temps du maintenant» constituait un élément à force définissante pour les narrateurs dans la vidéo. L’acte performatif que constitue le fait de rapporter son histoire définissait la communication du contenu. Les réfugiés me racontaient leur histoire alors qu’ils avaient atteint un âge avancé; ils avaient vécu leur vie, mais il semblait que ce fût la première fois qu’ils fussent interrogés quant à leur histoire. Leurs récits renvoyaient à une structure de tradition orale marquée par le fait d'avoir survécu: à l’espace de résonance d’une lutte de survie mentale qui restait encore déterminante même dans le temps présent. Le niveau textuel de la vidéo est constitué d’entretiens avec des personnes de cette deuxième génération, qui avaient entendu le récit de leurs parents alors qu’ils étaient encore enfant. C’était des phrases comme des pierres. Des phrases dont les mélodies vocales s’étaient gravées dans la mémoire collective et individuelle à travers trois générations. L’oubli d’hier s’était entremêlé avec l’oubli d’avant-hier et se mélangeait à l’oubli d’aujourd’hui. A travers des générations, ce récit profitait du talent d’acteur de ses narrateurs qui rallongeaient ou abrégeaient certains moments et qui répétaient eux-mêmes des fragments ineffaçables devenus, par la répétition et la transmission, presque une chanson sur la fuite (...) De génération d’images en génération d’images, j’ai construit, par le biais du travail de l'image, différents niveaux et degrés d’abstraction classés selon la «génération narratrice» (...)  L’histoire apparaît dans «Passing Drama» comme une machinerie industrielle engloutissant des minorités au profit d’une majorité invisible.

     

    Politiquement incorrect : des manifestations contre les camps de réfugiés immigrés à Lesbos en Grèce (2009):

     

     

    Liens/Links

    D'autres videos en ligne de l'artiste

    Sa chaîne sur youtube

    Angela Melitopoulos au K21 

    Un article sur Angela Melitopoulos en français

    Une interview de l'artiste (en anglais)

    Autre interview avec Bettina Knaup (en anglais, 2010)

    Le texte d'Angela Melitopoulos sur la video

     

    « Esope, La Fontaine, Lucchini : Le chat et un vieux ratMaintenant que tu pars à l'étranger * Τώρα που πας στην ξενιτιά »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Pin It

  • Commentaires

    1
    Jeudi 3 Janvier 2013 à 15:27
    gbenichou

    Les Grecs ont ine extraordinaire à rester eux même!

    Même Au fin fond du Nebraska, ils restent Grecs et parfaitement adaptés à la vie américaine

    2
    Jeudi 3 Janvier 2013 à 16:15
    lizathenes

    Le destin de Drama semble se reproduire ... C'est toujours une ville de Grèce oubliée de tous ...

    3
    Jeudi 3 Janvier 2013 à 17:58
    Dornac

    Peut-être que les peuples dont l'histoire est riche sont-ils plus sensibles à la culture, à l'Histoire ou à la rencontre entre leur histoire familiale et celle d'une période de l'Histoire ?

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    4
    Jeudi 3 Janvier 2013 à 17:59
    Dornac

    Allez, on va pas en faire un drame !

    5
    Vendredi 4 Janvier 2013 à 04:07

    moi qui suis un "juif errant", je suis bien placé pour le savoir.

    6
    Vendredi 4 Janvier 2013 à 21:34
    Dornac

    Diaspora est un mot que les Grecs comprennent bien. Il semble que la nouvelle génération va encore le revivre. Et c'est vrai qu'on sent (peut-être à cause de cela) leur forte complicité avec les peuples "errants", comme les Juifs ou les Arméniens. Mais quand on voit 100% Grec (ou l'Académie de Platon- Acadimia Platonos), on n'a pas l'impression qu'ils ont tellement d'affinité avec les Chinois errants, donc la Méditerranée, les persécutions, la culture doivent peser quand même...

    La video dit des choses indicibles avec des mots.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :