• Cavafis : Le miroir dans le vestibule * Ὁ καθρέφτης στὴν εἴσοδο

    Cavafis : Le miroir dans le vestibule * Ὁ καθρέφτης στὴν εἴσοδο

     

    Le miroir dans le vestibule

     

    Cette riche demeure recélait dans son vestibule
    un immense miroir, très ancien ;
    acheté au moins quatre-vingts ans plus tôt.

    Un superbe garçon, commis chez un tailleur
    (le dimanche, athlète amateur),
    se trouvait là, avec un paquet. Il le remit
    à quelqu'un de la maison, qui l'emporta à l'intérieur
    pour aller chercher le reçu. Le garçon tailleur,
    resté seul, attendit.
    Il s'approcha du miroir et s'y regarda,
    puis arrangea sa cravate. Au bout de cinq minutes,
    on lui amena le reçu. Il le prit et s'en alla.

    Mais le vieux miroir qui en avait tant vu,
    au cours des années de sa longue existence,
    - des milliers de choses et de visages ;
    mais le vieux miroir maintenant était tout rayonnant
    de joie et de fierté d'avoir, pendant quelques minutes,
    retenu sur lui la beauté parfaite.

      

    Ὁ καθρέφτης στὴν εἴσοδο

     

    Τὸ πλούσιο σπίτι εἶχε στὴν εἴσοδο
    ἕναν καθρέφτη μέγιστο, πολύ παλαιό·
    τουλάχιστον πρὸ ὀγδόντα ἐτῶν ἀγορασμένο.

    Ἕνα ἐμορφότατο παιδί, ὑπάλληλος σὲ ράπτη
    (τὲς Κυριακές, ἐρασιτέχνης ἀθλητής),
    στέκονταν μ' ἕνα δέμα. Τὸ παρέδωσε
    σὲ κάποιον τοῦ σπιτιοῦ, κι αὐτὸς τὸ πῆγε μέσα
    νὰ φέρει τὴν ἀπόδειξι. Ὁ ὑπάλληλος τοῦ ράπτη
    ἔμεινε μόνος, καὶ περίμενε.
    Πλησίασε στὸν καθρέφτη καὶ κυττάζονταν
    κ' ἔσιαζε τὴν κραβάτα του. Μετὰ πέντε λεπτὰ
    τοῦ φέραν τὴν ἀπόδειξι. Τὴν πῆρε κ' ἔφυγε.

    Μὰ ὁ παλαιὸς καθρέφτης ποὺ εἶχε δεῖ καὶ δεῖ,
    κατὰ τὴν ὕπαρξιν του τὴν πολυετῆ,
    χιλιάδες πράγματα καὶ πρόσωπα·
    μὰ ὁ παλαιὸς καθρέφτης τώρα χαίρονταν,
    κ' ἐπαίρονταν ποὺ εἶχε δεχθεῖ ἐπάνω του
    τὴν ἄρτιαν ἐμορφιὰ γιὰ μερικὰ λεπτά.

          
    Traduction de Dominique Grandmont,
    En attendant les barbares et autres poèmes, Gallimard, 2008, p.218.
     

    Κωνσταντίνος Π. Καβάφης (1930)
    Texte original

     

    The Mirror in the Front Hall

     

    The luxurious house had a huge mirror
    in the front hall, a very old mirror,
    bought at least eighty years ago.
     
    A very handsome boy, a tailor’s assistant
    (on Sundays an amateur athlete),
    stood there with a package. He gave it
    to one of the household who took it in
    to get the receipt. The tailor’s assistant
    was left alone, waiting there.
    He went up to the mirror, looked at himself,
    and adjusted his tie. Five minutes later
    they brought him the receipt. He took it and went away.
     
    But the old mirror that had seen so much
    during a life of many years—
    thousands of objects and faces—
    the old mirror was all joy now,
    proud to have embraced
    total beauty for a few moments.   

     

    Le miroir du vestibule

     

    Un vieux miroir acquis il y a plus de quatre-vingts ans ornait le vestibule de cette riche maison.

    Un jeune apprenti tailleur (athlète amateur le dimanche) entra avec un paquet. Il le remit à une personne qui l’emporta avec le reçu. L’apprenti resta seul, et attendit. Il s’approcha du miroir, s’y regarda en arrangeant sa cravate. Cinq minutes plus tard, on lui rendit le reçu. Il le prit et s’en alla.

    Mais le vieux miroir qui avait reflété tant d’objets et de visages exulta d’avoir réfléchi un instant la beauté parfaite.

                                                                                                                               
    Translated by Edmund Keeley and Philip Sherrard   Traduction du grec de Marguerite Yourcenar

     

    Tableau en tête d'article de Leon Gordon : Elegant Man in Mirror, 1930.

     

    Liens / Links :
    Cavafis' website
    Biographie de l'auteur (1863-1933)
    Constantin Cavafy (wikipedia)
    English wikipedia
    Cavafiscompupress.com (site en hommage à l'auteur avec de nombreux poèmes en Grec et traduits en Anglais)

    Quelques poèmes de Cavafis sur ce blog   


        

     

    « Edith Piaf chez les Grecs * H Εντίθ Πιάφ στην ΕλλάδαYannis Kondos : L'athlète du néant * Ο αθλητής του τίποτα »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Pin It

    Tags Tags : , , , , , ,
  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Décembre 2010 à 08:25
    benichou

    très beau... pourquoi y ont mis ma photo,( quand j'étais jeune) ?

    2
    Lundi 20 Décembre 2010 à 10:42
    Dornac

    Il vaut mieux que ce soit toi qui vieillisse plutôt que le portrait, je crois.

    3
    Lundi 20 Décembre 2010 à 21:45

    C'est un de mes texte préférés de Cavafy

    4
    Lundi 20 Décembre 2010 à 21:57
    Dornac

    Bon, alors si celui-ci vous plaît à tous les deux, qu'est-ce qui me reste à vous offrir pour Noël ? (j'ai besoin qu'on me souffle, là)

    5
    Lundi 20 Décembre 2010 à 23:40
    Zara forestier

    J'ai beaucoup aimé cettepage !

    6
    Lundi 20 Décembre 2010 à 23:41
    Zara forestier

    C'est sympa de trouver du Grec moderne sur votre site !

    7
    Mardi 21 Décembre 2010 à 09:26
    Dornac

    Αχ ! your pleasure is my pleasure !

    8
    Mardi 21 Décembre 2010 à 09:27
    Dornac

    Qu'est-ce qui vous attache au grec (si ce n'est pas indiscret) ?

    9
    Mercredi 22 Décembre 2010 à 07:42
    Coline Termash

    Comme toujours, Cavafy ...

    J'ai une très nette préféerence pour la traduction de Marguerite Yourcenar.

    Je ne suis pas certaine que l'illustartion soit tout à fait juste. Effectivement, il s'agit plus d'un dandy que d'un commis.

    Toutefois, merci pour ce partage des textes de ce très grand poète.

    Coline Termash

    10
    Mercredi 22 Décembre 2010 à 07:55
    Dornac

    Je suis d'accord pour l'illustration. Je n'ai pas trouvé mieux et le tableau est agréable. J'ai eu du mal à en trouver une (pour Kondos aussi, d'ailleurs).
    Bonnes fêtes.

    11
    Mercredi 22 Décembre 2010 à 07:59
    Coline Termash

    Oui, elle est très belle. Et cet article est agréable.

    Je vous souhaite de bonnes fêtes.

    Coline

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    12
    Jeudi 23 Décembre 2010 à 09:55
    Grèce à l'Ouest

    C'est une bonne idée que de mettre les traductions de Grandmont et de Yourcenar (dont l'introduction aux poèmes de Kavafis reste quasi indépassable !), mais en réalité ce n'est pas ainsi que se présente sa traduction ! elle fait des textes versifiés de K des poèmes en prose, ce qui, personnellement, m'a touours "contrariée" ! Καλές γιορτές !

    13
    Mercredi 29 Décembre 2010 à 01:48
    Dornac

    J'avoue ne pas avoir le texte original de Yourcenar. J'ai repris des choses copiées et, selon toi... arrangées. Merci pour l'information, donc.

    Καλές γιορτές

    14
    Mercredi 29 Décembre 2010 à 16:16
    Grèce à l'Ouest

    Le texte est exact, mais il se présente sous la forme de 3 paragraphes et non de 3 strophes !

    15
    Jeudi 30 Décembre 2010 à 10:28
    Dornac

    J'ai fait la sourde oreille et je me suis finalement décidée à changer la présentation du texte. Je crois que j'ai dû ressentir la même chose que toi, vu le temps que j'ai mis pour le modifier.
    Merci. Bonnes fêtes.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :