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Nikos Kavvadias : Les chats des cargos
LES CHATS DES CARGOS
Les marins des cargos toujours ont une chatte
aimée — allez savoir pourquoi — d'un tendre amour,
qui accourt fièrement se frotter à leurs pattes
quand leur quart achevé, ils rentrent, las et lourds.
Le soir, lorsque la mer fouette sans fin la tôle
et redouble d'efforts pour briser les boulons,
dans le silence du gaillard d'avant, leur geôle,
en vraie femme, elle rend pour eux le temps moins long.
Fière, indolente, elle a de sa race les traits,
ses yeux gris sont zébrés de lueurs électriques,
et tout en lui flattant l'échine, on la croirait
parcourue longuement d'un lent spasme érotique.
De la femme elle a tout, rêveries et fureurs,
et c'est pourquoi d'abord les marins la vénèrent ;
et plongeant dans leurs yeux les siens pleins de langueur,
elle entretient en eux une fièvre peu claire...
On lui attache autour du cou un fil de cuivre
contre la maladie du fer — un talisman
dont le pouvoir, hélas, jamais ne la délivre
du mal noir et mortel qui tue en un moment.
Car ses humides yeux sont d'électricité
chargés, à tout instant le fer noir les attire ;
rendue folle, hurlant, le regard aimanté,
elle arrache une larme aux marins qui soupirent.
Alors, sentant venir l'heure du grand départ,
l'un d'eux — un qui a vu plein d'horreurs dans sa vie —
lui donne une caresse, un ultime regard,
et lance l'animal dans la mer en furie.
Puis ces durs, dont le cœur d'habitude est si fort,
se retirent, chacun à part, l'âme éplorée,
rempli d'une amertume étrange qui le mord,
et l'on dirait qu'il pleure une femme adorée.
ΟΙ ΓΑΤΕΣ ΤΩΝ ΦΟΡΤΗΓΩΝ
Οι ναυτικοί στα φορτηγά πάντα μια γάτα τρέφουν,
που τη λατρεύουνε, χωρίς να ξέρουν το γιατί,
κι αυτή, σαν απ' τη βάρδια τους σχολάνε κουρασμένοι,
περήφανη στα πόδια τους θα τρέξει να τριφτεί.
Τα βράδια, όταν η θάλασσα χτυπάει τις λαμαρίνες,
και πολεμάει με δύναμη να σπάσει τα καρφιά,
μέσα στης πλώρης τη βαριά σιγή, που βασανίζει,
είναι γι' αυτούς σα μια γλυκιά γυναικεία συντροφιά.
Είναι περήφανη κι οκνή, καθώς όλες οι γάτες,
κι είναι τα γκρίζα μάτια της γιομάτα ηλεκτρισμό
κι όπως χαϊδεύουν απαλά τη ράχη της, νομίζεις
πως αναλύεται σ' ένα αργό και ηδονικό σπασμό.
Στο ρεμβασμό και στο θυμό με τη γυναίκα μοιάζει
κι οι ναύτες περισσότερο την αγαπούν γι' αυτό
κι όταν αργά και ράθυμα στα μάτια τους κοιτάζει,
θαρρείς έναν παράξενο πως φέρνει πυρετό.
Της έχουν πάντα στο λαιμό μια μπακιρένια γύρα,
για του σιδέρου την κακήν αρρώστια φυλαχτό,
χωρίς όμως, αλίμονο, ποτέ να κατορθώνουν
να την φυλάξουν απ' το μαύρο θάνατο μ' αυτό.
Γιατί είναι τ' άγρια μάτια της υγρά κι ηλεκτρισμένα
κι έτσι άθελα το σίδερο το μαύρο τα τραβά,
κι ουρλιάζοντας τρελαίνεται σ' ένα σημείο κοιτώντας
φέρνοντας δάκρυα σκοτεινά στους ναύτες και βουβά.
Λίγο πριν απ' το θάνατον από τους ναύτες ένας,
- αυτός οπού 'δε πράματα στη ζήση του φριχτά -
χαϊδεύοντάς την, μια στιγμή στα μάτια την κοιτάζει
κι ύστερα μες στη θάλασσα την άγρια την πετά.
Και τότε οι ναύτες, που πολύ σπάνια λυγά η καρδιά τους,
πάνε στην πλώρη να κρυφτούν με την καρδιά σφιχτή,
γεμάτη μια παράξενη πικρία που όλο δαγκώνει,
σαν όταν χάνουμε θερμή γυναίκα αγαπητή.
Traduction de Michel Volkovitch (d'après le recueil Marabout,1933) Απο την συλλογή "Μαραμπού" (Νίκος Καββαδίας, 1933) Musique : I Xebarki (Οι Ξέμπαρκοι)
Video : mussonasPainting at the top of the article / Tableau en tête d'article : Dimitris Ghéros.
Ο Δημήτρης Γέρος.Liens / Links : Nikos Kavvadias Biographie de l'auteur sur Wikipedia
Blog Καλώδια: Lire Kavvadias en grec.
Site du traducteur (et poète) M. Volkovitch
Blog sur Nikos Kavvadias (en grec)
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« Constantin Cavafis : J’ai tant contemplé * Ετσι πολύ ατένισαNikos Kavvadias : Un chauffeur noir de Djibouti »
Tags : Nikos Kavvadias, poésie grecque contemporaine, greek contemporary poetry, σύγχρονη ελληνική ποίηση, greek poet, Mikroutsikos
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Commentaires
Oui, je pensais aussi que pour chasser les rats des cales, ils ont leur utilité. Ici c'est leur sensualité, leur douceur qui est vantée.
Quoique, je viens de tomber sur un passage dans mes lectures: "On ne dératisait jamais. La nuit les rats chantaient comme des serins. Ils étaient de la taille d'un chat. Un chauffeur algérien a eu le nez abîmé par eux pendant qu'il dormait; il est resté défiguré. Un Français l'oreille, un Maltais le sexe. Tu sais comment ils mâchent ? Délicatement, on ne le sent pas. Un jour, on a lâché un chat dans la cale, on ne l'a jamais revu." (Nikos Kavvadias, Le Quart, Denoël, 2006, p.204 - traduit du grec par Michel Saunier)
Autrefois c'était fréquent de partir discrètement avec un cargo. Je ne suis pas sûre que ce soit encore le cas aujourd'hui. Je sais aussi que le bateau-stop a existé et que cela n'existe plus (ou peut-être rarement).
je crois qu'on peut encore y a même un type qui a écrit un guide des voyages en cargo. faudrait que je retrouve.
AAAH !!! BRAVO MONIQUE ! Merci ! Je crois que je vais le consulter, j'ai un rêve depuis quelques années de partir de Grèce jusqu'en Egypte en bateau et faire le tour du bassin méditerranéen. Si j'étais riche, je le ferais à la voile.
Ce livre, il est paru avant la dernière loi contre l'immigration clandestine ?
8moniqueJeudi 18 Avril 2013 à 09:44
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Les chats en Grèce il y en a partout, ils font partie du paysage, donc, pourquoi pas sur es cargos ?