Quelle promenade paisible j'ai pu faire dans ce quartier calme près de l'université d'Athènes! Les orangers portaient leurs fruits, le temps était légèrement frais en ce mois de février.
Exarchia est un quartier relativement central d'Athènes situé entre l'Université, le mont Lycabette, la colline de Stéphi et la place Omonia; entre le quartier riche de Kolonaki et le quartier pauvre d'Omonia.
Vue du mont Lycabette
Le quartier Exarchia à Athènes (Google earth)
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La Bibliothèque nationale
Socrate prenant un bain d'oranges amères devant la Bibliothèque nationale
C'était presque le printemps, les graffitis venaient sans doute de fleurir sur les murs pour les colorer, des peintures qui identifient fortement le quartier comme celui des artistes.
Sur le mur, une citation du poète Kostis Palamas :
Ακούστε. Εγώ είμαι ο γκρεμιστής, γιατί είμ' εγώ κι ο χτίστης,
ο διαλεχτός της άρνησης κι ο ακριβογιός της πίστης.
Και θέλει και το γκρέμισμα νου και καρδιά και χέρι. suite ici.
Traduction (possible) :
Écoutez. Je suis le démolisseur, parce que je suis le maçon,
le sélectionneur du refus, et le riche héritier de la foi.
Et il veut la destruction d'un esprit et d'un cœur et d'une main.
Un personnage qui rappelle à la fois Prévert et Vian par Kia RK.
Ypsilon est une maison d'édition, réhabilitée ici façon Anar par WD.
On reconnaît ici le travail de Sonkè
Gus 08
Gus 08
Je pense qu'il s'agit d'une peinture d'Alexandro Vasmoulakis
Les bars, les coopératives, les jardins potagers nous disent à mots chuchotés ce jour-là, que le quartier ne vit pas comme partout ailleurs.
Pour en connaître le sens il faut parler aux riverains, et çà et là, avec des bribes de témoignages, la dimension du quartier enfle si bien que plus aucun graffiti ne paraît anodin.
Un restaurant plutôt chic (aux prix chics mais pas chocs, selon Liza et moi-même), on y entre par une cour :
Les disquaires
Le potager, avec ses totems:
Encore une figure inquiétante de WD (enfance volée?)
Jardins et poésie picturale
► Yannis Youlountas (poète et philosophe anarchiste français d'origine grecque) en parle ici :
Pour « l'éducation à la crédulité »: bof, je n'ai jamais
rencontré un seul Grec crédule, d'où qu'il soit, au contraire !
► L'Athénienne française Liza parle du quartier ici et là.
Et l'on découvre, aussi au milieu des couleurs, la souffrance...
... et la poésie face à la barbarie. Elle s'exprime. Elle ne s'étrangle pas.
Les masques à gaz de Sidron et Mora (?)
On croisait quelques jeunes gens le nez en l'air, des policiers patibulaires. Ces flics étaient presque toujours collés aux mêmes rues, assez nerveux, tournicotant, pissant le long des murs, des pauvres flics, en somme, un peu comme les chiens errants de la ville, sauf qu'eux étaient toujours en groupe et semblaient en mal de baston.
ΑΣΤΕΡΑΣ Asteras est l'équipe de football du quartier Exarchia
Exarchia n'est pas censé être le quartier paisible que j'ai vu. Ce n'est pas seulement le quartier étudiant, c'est aussi le quartier anarchiste, mais si j'en crois certains témoins, c'est aussi celui des jeunes néo-nazis : c'est un peu la Mutu (*) avec Saint-Nicolas-du-Chardonnet (**) sur le trottoir d'en face, vous voyez ?
* salle où les grands rassemblements de gauche ou affiliés avaient lieu, des surréalistes dans les années 30 aux meetings d'Arlette Laguiller plus récemment
** église des intégristes catholiques où l'on retrouve toutes les extrêmes droites mais où la messe est en latin !
Un slogan footballistique : ήμουν και Θα 'μαι πάντα εδώ
(J'étais et je serai toujours là - chanté dans les stades sur l'air de Dirladada)
avec les couleurs jaune et noir de l'équipe AEK d'Athènes.
Exarchia, c'est là où, le 6 décembre 2008, Alexis Grigoropoulos (15 ans) a été tué par un policier, déclenchant des émeutes à Athènes, puis des rassemblements mémoriels. Alexis est devenu le symbole de la répression policière en Grèce et de l'anéantissement de la démocratie. Parallèlement, l'événement marque le début du durcissement des manifestations en Grèce (et l'Histoire se répète).
La rue où a été tué Alexis
Une photo souvenir sur le mur de la rue |
Photo internet d'Alexis |
Les manifestations grecques ont suffisamment impressionné l'étranger pour que d'autres artistes, comme le rappeur anglo-saxon M1, qui forme un groupe avec Bonnot (AP2P, All Power To the People), voit ce quartier comme le lieu emblématique des rêves d'un monde meilleur dans «un des bastions de la Résistance en Europe» et ajoute qu'«ici, je peux prendre un grand bol d'air parce que je peux voir ce que plusieurs années de lutte peuvent apporter (...) nous vivons quelque chose que nous n'avons jamais vécu auparavant dans la manière de s'engager dans le processus politique» (3'08):
Je ne sais pas ce que vaut le témoignage de ce jeune Français qui vit à Exarchia mais il en recoupe d'autres, et on peut y pêcher quelques informations intéressantes, notamment sur les groupes de casseurs qui lancent des cocktails molotov et n'émanent pas des groupes de manifestants habituels. Ils n'adhèrent pas sincèrement à une idéologie mais ont simplement l'envie maladive de se bagarrer, certains seraient de la police:
Devant l'Université. Le slogan : ΚΑΤΩ ΤΑ ΧΕΡΙΑ (Bas les pattes ou À bas la mainmise)
Affiche contestataire à Panépistimiou (devant l'Université).
On y voit les trois représentants des trois principaux partis :
Papandreou (socialiste, PASOK), Samaras (droite -Nouvelle démocratie)
et Voridis (parti d'extrême droite LAOS)
Les slogans :
Φύγετε τώρα : partez maintenant
στάση πληρωμών : suspension des paiements
Le chanteur crétois Nikos Xylouris est une figure historique de l'engagement politique de certains artistes.
On se souvient du quartier latin. Après les révoltes, les étudiants fiévreux ont connu un monde meilleur c'est-à-dire les places qu'ils souhaitaient, ils ont gagné beaucoup d'argent, ont acheté dans le quartier, ont fait monter les prix : dieu merci aujourd'hui, comme c'est hors de prix pour louer ou acheter dans le quartier latin, il est impossible à un étudiant lambda d'y monter un réseau anarchiste. Il aura plus de chance avec les intégristes de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, les juristes d'Assas ou du Panthéon, les « fils de » dressés à Louis-le-Grand ou Henri IV qui, vous diront-ils, ont une bonne portugaise ou tunisienne, ce qui prouve que dans le quartier, il y a encore des gens du peuple (mais non, pas tous...).
À la Mutu, on n'accueille plus les gauchistes, mais tout le monde, tout le monde de droite si possible, et si on est de gauche, c'est souvent juré-craché la main sur le porte-feuille, pas sur le cœur, contrairement à ce que dit Zaz (la chanson a été un tube en Grèce).
La réalité parisienne du quartier latin, Souchon l'a chantée, il y a une quinzaine d'années : Rive gauche à Paris, adieu mon pays de musique et de poésie, les marchands mal appris qui ailleurs ont déjà tout pris viennent vendre leurs habits en librairie (Rive gauche).
Toutes les photos sont les miennes sauf Google earth et internet (indiqué).
Liens / Links
Voir le témoignage de Liza en commentaire sur cet article
Liza : Les murs d'Exarchia
Liza: Les jardins-refuges d'Athènes
Liza : à la découverte d'Athènes (Exarchia)
Kafeneio : à Athènes, même les murs parlent politique (article cité par Philippe Meyer sur France Inter)
D'autres artistes à Athènes (peinture murale)
L'art du graffiti à Athènes (en anglais)
Le street art à Athènes (blog)
L'artiste Sokè à Gazi (autre quartier d'Athènes) - photo de Liza
Yannis Youlountas (son site)
Libération : Exarchia, quartier bohème contestataire
Exarchia, la pépinière de l'insurrection (anarchismo.net)
Citazine : Exarchia, quartier de la contestation bohème
Lakis Lazopoulos commente des videos compromettantes pour la police (2008)
Les émeutes grecques (wikipedia en anglais)
Les émeutes grecques (wikipedia en français)
Cet article était rédigé aussi pour le casse-tête de la semaine.