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Ioannina, l'orientale * Ιωάννινα
Io-a-nni-na, un nom de jeune fille ? Une mélodie fleurie qui serait reprise par la clarinette acrobate des musiques traditionnelles de la région de l'Épire (au Nord Ouest de la Grèce), dont Ioannina est la ville principale. Souvent, les Grecs prononcent « Yannina » et on l'écrit aussi « Janina » dans les livres d'Histoire.
Petroloukas Chalkias (Ο Πετρολούκας Χαλκιάς) à la clarinette : Skaros (Σκάρος).
Skaros, c'est la pâture nocturne des moutons au printemps et en hiver.
Video : bla2030Elle est située au bord d'un lac (Pamvotis, Παμβώτις )...
… et au milieu des montagnes du massif du Pinde, témoins séculaires des résistances grecques. Elles ont protégé les brigands klephtes qui s'opposaient aux impôts de l'Empire ottoman. Les Turcs se sont emparés de Ioannina en 1430 avant même la prise de Constantinople (1453). Ils en garderont le contrôle jusqu'en 1913, alors que la Grèce était indépendante depuis 1822 (frontières limitées).
Ioannina aurait été fondée par l'Empereur Justinien au VIe siècle. Elle fut l'évêché de Zacharias au IXe siècle. Au XIe siècle, les Normands l'occupèrent laissant derrière eux la citadelle qui enceint aujourd'hui la vieille ville. Les remparts ont été remaniés par Ali, qui, venu de Tebelen en Albanie, s'était fait nommer Pacha de Trikala (Météores) par le sultan puis Pacha de Ioannina en 1787.
Ali Pacha
Image internetPendant presque 30 ans, il exerça un pouvoir tyrannique sur les régions de l'Épire, de Thrace et de Macédoine dont il était le gouverneur avec pour intention de se séparer de l'Empire. Il accrût le prestige de Ioannina dont il fit sa capitale en permettant le développement du commerce et de l'artisanat, des Arts et des Lettres. L'université construite à cette époque bénéficie aujourd'hui encore d'un certain rayonnement (environ 13 000 étudiants).
Le personnage avait une réputation sanguinaire, il a alimenté la littérature (Alexandre Dumas) : Ali Pacha aurait capturé son gendre et tué la maîtresse de l'un de ses fils en la faisant jeter dans le lac avec 16 autres femmes. En 1820, il entraîna un soulèvement contre le sultan Mahmut II en s'alliant aux rebelles grecs (les Klephtes dits armatoles). Mahmut II fit le siège de la ville et deux ans plus tard, Ali Pacha fut tué et décapité dans l'île du lac.La citadelle et la vieille ville
Une synagogue à l'intérieur des remparts témoigne de l'ancienne présence des juifs romaniotes qui ont pour la plupart été tués par les nazis.
Ioannina a beau être à l'ouest, c'est l'Orient qui la décore : les maisons basses parfois rehaussées d'un encorbellement, les minarets, les mosquées...
Le musée byzantin (l'ancien sérail d'Ali Pacha abritait paraît-il 500 femmes)
et au fond, la mosquée Fetiyé (1795). Le site d'Itse-Kalé est souvent désert,
la vue panoramique sur le lac et les montagnes est reposante.La mosquée d'Aslan Dzami (musée d'art populaire)
où sont exposés des costumes traditionnels brodés, des orfèvreries, etc.La salle des prières
Une église orthodoxe
Les boutiques, des souks, regorgent de bibelots, pipes à narguilé, bijoux, d'orfèvreries ciselées à l'orientale, souvent en argent un peu noirci : Ioannina est réputée pour l'argenterie et les arts du métal qui sont largement exposés dans les musées de la ville.
16h17 : presque personne dans les rues, on sort tout juste de la sieste.
Le long du lac, on s'arrête -à l'écart des terrasses des nombreux cafés- sur la promenade, à un banc sous l'ombre d'un arbre, juste devant le stand des vendeurs de disques traditionnels...
Savvas Siatras : Marghiola
Ο Σαββας Σιατρας : Μαργιολα
Video : manguard 1976... et l'on voit défiler les jeunes gitans, les familles, quelques touristes.
Un septuagénaire qui jouait de la clarinette dans sa voiture m'invite à prendre un verre. La musique traditionnelle, le demotiki, est très ancrée dans le cœur des Épirotes : la voix comme brisée et plaintive des chanteurs, la clarinette, entraînent une musique très vive, joyeuse, sur laquelle, en général, on danse. Le clarinettiste m'indique qu'on pratique cette musique lors des fêtes régionales ou nationales, lors des mariages et autres cérémonies. Pas (ou rarement) de concert. Pas de taverne dans la ville pour les écouter. Si vous en connaissez, merci de me l'indiquer.Une fête en compagnie de la famille de musiciens Chalkias (ΧΑΛΚΙΑΣ qu'on écrit parfois à tort Xalkias):
Une fête plus organisée :
Pagona Athanassiou (Η Παγώνα Αθανασίου)
Video : loulialoveLes spectacles sont plus souvent de musique rock, de laïka, de jazz et ont lieu lors des festivals à l'intérieur de la citadelle, en plein air, à Itse-Kalé (sud-est de la citadelle) en contrebas du site de la mosquée de Fetiyé.
Lîle du lac : Nissika
Aux pieds de la citadelle, on peut prendre un petit bateau qui file doucement vers l'île en quelques minutes. Nissika est un village dont l'artère centrale est envahie par les boutiques à touristes vides d'intérêt, les commerçants vous abordent à la turque. C'est un village de pêcheurs (mais le poisson qu'on y mange vient paraît-il d'un élevage en montagne et non du lac).
Le lac vu de la citadelle : on entendait les cris du coach des sportifs en aviron.
Au-delà de cette voie où s'accumulent les touristes, les rues blanches sinueuses mènent aux bords de l'île, pleines de fleurs et d'arbres fruitiers, jusqu'aux églises et aux monastères tapissés de fresques byzantines (dont le monastère Philanthropenoi). Le musée d'Ali Pacha ressemble à une simple maison, c'est celle où il fut tué : le monastère de Pandéléimonas.
Toutes les photos sans indication d'auteur sont personnelles.Liens / Links Site de la ville
Wikipedia
Informations sur Ioannina (en grec)
Sur le festival de musique : Castle rock festival de Ioannina
galenfrysinger.com : photos de la ville et des environs
Sur la guerre d'indépendance en Grèce :
Herodote.net :
Wikipedia
Sur Ali Pacha :
Herodote.net
Wikipedia
Dans ce blog : Aux environs de Ioannina: les gorges du Vikos
Le théâtre de Dodone (une des photos de l'article)
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Commentaires
J'ai adoré la Grèce du Nord (jusque la fronière gréco-turque) et bien sûr l'Epire : Ioannina et son lac. C'était une petite ville à l'époque, cf les nouvelles de D.Χατζής Το τέλος της μικρής μας πόλης. J'écoute assez régulièrement cette musique.
Petite précision : le Grèce n'était pas indépendante depuis 1822. Un "petit" premier Etat grec voit enfin le jour en 1832, après accord de l'Empire et des Grandes Puissances : raité de Constantinople.
Apparemment il n'y a pas seulement des chansons de l'Epire mais aussi des chants polyphoniques byzantins. Merci.
La vidéo est intéressante : un témoignage-reportage. Dommage qu'il n'y ait pas de date ni de notes à ce sujet.
Hadzis : La fin de notre petite ville (je traduis pour les profanes) : je m'apprête à le lire justement.
Pour l'Indépendance de la Grèce, ce n'était pas encore un état (tel qu'on le connait aujourd'hui) mais la déclaration d'Indépendance avait bien eu lieu en 1822, même si le pays était encore en guerre.
Une carte, pour préciser les choses :J'ai lu avec beaucoup d'intérêt vos descriptions et j'ai beaucoup aimé les photos. Il est peut-être inexact que l'on ne pratique pas (ou plus) la musique traditionnelle ("Ta Dimotika" ou tout simplement "ta klarina") dans des tavernes de la ville. Il faut se rendre au "Iéli Kaféné" (tout près de l'ancienne gare routière) et poser la question aux gens qui fréquentent ce café. Il y a quelques années, en tout cas, on pouvait y rencontrer des musiciens tsiganes. Je vous transmets un lien très intéressant sur cette question:
http://etudesbalkaniques.revues.org/index298.html ("Quand les chanteurs sont grecs et les musiciens tsiganes. La musique traditionnelle en Epire")
Bien cordialement.
Merci beaucoup pour cette information.
J'ai souvent repensé à ce que m'avait dit ce clarinettiste, avec cette interrogation persistante comme s'il ne m'avait pas répondu. D'autant plus que quelques jours plus tard, près de Thessalonique, j'étais dans un café où a surgi miraculeusement un groupe de Gitans qui a joué et chanté non seulement des musiques tsiganes mais également (et surtout) des airs de l'Epire... à suivre, donc...Votre témoignage est touchant. Je ne lirai pas dans le détail votre lien (sur les noms) et oui, le site auquel vous renvoyez laisse entrevoir le côté obscur de la Grèce, qui ne peut d'ailleurs pas être pire qu'en France, puisqu'en France l'antisémitisme bat son plein dans la banlieue parisienne, par exemple, où l'on trouve cela normal d'être antisémite. Les élèves juifs ne disent plus qu'ils sont juifs pour ne pas avoir d'ennuis. On ne fait pas d'enquête précise (en Belgique des chiffres ont apparemment été publiés) ni de reportage pour ne pas stigmatiser, bien sûr. Mieux vaut laisser pourrir la situation.
Pour la nouvelle dont vous parlez, je n'ai pas commencé ma lecture, mais je sens que je vais me dépêcher de le faire...Il a plu...
Tiens, c'est drôle parce que cet été j'avais pris la même photo juste AVANT l'orage.
Ben zut alors ! J'aurais dû y retourner !Merci pour ces liens. Je pense que le tour du lac complet ne doit pas être possible, une partie étant assez marécageuse !
Merci pour cette belle promenade dans Ioanina. J'ai beaucoup aimé cette ville la seule fois où j'ai eu l'occasion d'y aller. J'y retournerais volontiers et plus généralment en Epire. Mon compagnon est d'ailleurs originaire de cette belle région. Mais c'est un peu loin d'Athènes en voiture. Quand nous serons à la retraite...
Marie-Paule
Je n'y suis moi-même jamais restée plus de quatre jours. Je pense que c'est un lieu idéal pour un long séjour : il y a de belles balades à faire (les monts Zagori sont à coté), il y a la grotte de Pérame, le site archéologique de Dodone, il y a, à quelques kilomètres, la mer (Igoumenitsa), les Météores, les villes du Nord...
L'une de mes photos des grottes de Pérame que je n'ai pas mise dans l'article :
La première fois que j'ai dormi en Grèce, il y a tout juste 25 ans, c'était au pied de la forteresse de Ioannina. Nous avons adoré, mais ne nous sommes pas attardés... Par contre, nous y avons fait un long séjour (en logeant sur l'île) en 1993. Le site de la mosquée en était au tout début de sa restauration. La ville avait encore tout son cachet oriental et il y avait des touristes. En 2008, troisième séjour, c'est toujours magique mais les échoppes se sont raréfiées et le bord du lac a beaucoup changé : trop de bars modernes, bimbeloterie chinoise au lieu des marchands de cassette de musique grecque. Le vieux marché a brûlé, les bâtiments sont taggés, les touristes ne viennent plus... Mais c'est sûr la prochaine fois que je vais en Grèce en voiture, je repasse par là-bas. A propos de livre, Ismail Kadaré a écrit un livre autour d'Ali Pacha de Tépélène : "La niche de la honte".
Quand j'ai lu votre message, je l'ai immédiatement interprété à ma manière de voyager et je vous voyais allongée sur l'herbe aux pieds de la citadelle dormant à la belle étoile.
Ensuite, je suis revenue sur terre : il y a des hôtels, bien sûr...Votre témoignage est intéressant sur l'évolution de la ville... merci !
21PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39Ah! Ianena... Un peu l'ambiance des films d'Angelopoulos... J'y ai acheté au début des années 80 un très beau plateau en cuivre datant à priori d'avant 1913, parce que je suppose que la production d'objets portant un décor islamique a du cesser après cette date, dans une boutique de souvenirs qui faisait aussi brocante, pas loin de la mosquée de l'agha Aslan. Je conserve aussi précieusement l'ouvrage immortel d'un dénommé "P. D. Photiou, philologue", contant la terrible histoire d'Ali Pacha, le lion de l'Epire, de sa liaison avec Mme Vassiliki, l'assassinat sur ordre d'Ali de Kyra Frossini noyée dans le lac avec 17 prostituées, parce que, maîtresse de son fils, elle avait repoussé ses propres avances... (en fait, c'est un fascicule particulièrement kitsch...)J'ai aussi un plan de la ville sous couverture dorée, très kitsch également... Je suppose qu'il ne doit plus rester grand chose aujourd'hui du bazar déjà fortement ruiné où j'avais acheté des "briki" pour préparer le café... J' ai souvenir d'une production de bijoux en argent d'assez belle qualité, et qui ne ressemble pas à ce que l'on trouve ailleurs en Grèce...
Vous avez raison de souligner l'aspect très oriental de cette ville, assez comparable à celui de Rethymno,( pour Rethymno, c'est beaucoup moins le cas aujourd'hui, l'urbanisation l'a pas mal abîmée...) et un peu à celui de Kavalla. Cela ne fait même pas encore cent ans que la Grèce a récupéré la souveraineté sur l'Epire et la Crète.
22PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39Deux incontournables pour la musique d'Epire: les musiciens de Zagori "Takoutsia", et un disque de chez Ocora qui ne semble pas avoir été réédité en CD (c'est le premier de la liste). Et sur la "chaîne" de Domna Samiou ou sur son site, on doit pouvoir trouver son bonheur...
23PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:3924PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:3925PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39A l'époque de l'achat du plateau, pas de voiture. Seulement un grand sac à dos, stocké sur la galerie du bus, il n'y avait pas de soutes comme aujourd'hui. Et puis il ne mesure qu'une soixantaine de centimètres de diamètre...
26PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39Vous m'avez incité à me replonger dans le le bouquin de Hadzis... excellente suggestion, je l'avais un peu oublié... A ce sujet, je viens de tomber là dessus, à propos de l'énigmatique personnage de Yosef Eliya dans la nouvelle "Sabethaï Kabilis". Etonnant, non? Je me souviens avoir parlé de mon (court) séjour à Ioannina à une dame d'un certain âge, juive chassée d'Egypte après "l'affaire de Suez" en 1956. Elle me disait que sa famille venait de Ioannina, et me demandait s'il y avait des traces de la communauté juive encore perceptibles, dans la vieille ville notamment. Je lui avais dit que j'avais repéré des noms de propriétaires de magasins qui pouvaient à première vue être juifs, comme Ιακωβίδης , et à ma grande surprise, elle s'exclama "mais JE SUIS une Ιακωβίδης !". ( Sauf que Ιακωβίδης n'est pas spécifiquement un nom de famille juif, en fait... témoin cette étude ) Je l'ai trouvée sur ce site, pas toujours réjouissant, mais intéressant...
27PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39C'est la même rue, mais pas la même saison, la photo est prise de quelques pas en arrière, l'atmosphère est très différente, bien plus.... mélancolique, στο ελάχιστο ... Ce site est intéressant, il fait partie des liens qui concernent Ioannina sur le site du contributeur précédent
28PascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:39Je me suis longuement promené sur ce site de photos de Ioannina (attention, 125 pages à ce jour...). Il y a donc bien un marchand de disques vinyle, je constate que la quincaillerie fonctionne bien et que le stock se renouvelle: ce n'est pas exactement le même étalage. En outre, Yosef Eliya a une rue à son nom... . La "petite ville" semble s'être sacrément réveillée, sans totalement sacrifier son passé. Sur ce site, mais pas seulement celui-là, il y a un étonnant leitmotiv autour du vélo. Forcément, le tour du lac, c'est plat...
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Tous les ans je me dis qu'il va falloir qu'on y aille ...