• Yannis Ritsos : Grécité * Ρωμιοσύνη -Romiosini (extrait)

    Δογούλης Νίκος ,Ο Γάμος


    La Grécité (Ρωμιοσύνη, Romiosini, en grec) dans le dictionnaire français, est définie comme le « caractère de qui est Grec ».

    Avec Yannis Ritsos  le terme « Romiosini » prend une autre dimension : c’est le chant de la souffrance des Grecs, celui de leur Résistance. Yannis Ritsos a écrit ce long poème à la fin de la Deuxième guerre mondiale (précisément entre 1945 et 1947 à Athènes), après la chute de la dictature de Metaxas (1941) mais il a été publié seulement en 1954.

    En voici un extrait (traduit par Jacques Lacarrière), le premier poème de ce recueil (I).
    À la fin du texte, vous trouverez deux parties du poème mis en musique par Mikis Theodorakis (1966), c’est pourquoi ces parties sont en gras (et en couleur) dans le poème (ça ne correspond pas à une version en gras originale).

    I.

    Aυτά τα δέντρα δε βολεύονται με λιγότερο ουρανό,
    αυτές οι πέτρες δε βολεύονται κάτου απ' τα ξένα βήματα,
    αυτά τα πρόσωπα δε βολεύονται παρά μόνο στον ήλιο,
    αυτές οι καρδιές δε βολεύονται παρά μόνο στο δίκιο.
    Eτούτο το τοπίο είναι σκληρό σαν τη σιωπή,
    σφίγγει στον κόρφο του τα πυρωμένα του λιθάρια,
    σφίγγει στο φως τις ορφανές ελιές του και τ' αμπέλια του,
    σφίγγει τα δόντια. Δεν υπάρχει νερό. Mονάχα φως.
    O δρόμος χάνεται στο φως
    κι ο ίσκιος της μάντρας είναι σίδερο.
     
           

    I.

    Ces arbres ne peuvent se rassasier de moins de ciel,
    Ces pierres ne peuvent se rassasier sous les pas étrangers,
    Et ces hommes ne peuvent se rassasier que de soleil,
    Et ces cœurs ne peuvent se rassasier que de justice.

    Ce pays est aussi dur que le silence,
    Il serre contre son sein ses dalles embrasées,
    Il serre dans la lumière ses vignes et ses olives orphelines,
    Il serre les dents. Il n’y a pas d’eau. Seulement de la lumière.
    Le chemin se perd dans la lumière.
    Métal est l’ombre de l’enclos.

    Mαρμάρωσαν τα δέντρα, τα ποτάμια κ' οι φωνές μες στον ασβέστη του ήλιου.
    H ρίζα σκοντάφτει στο μάρμαρο.
    Tα σκονισμένα σκοίνα.
    Tο μουλάρι κι ο βράχος. Λαχανιάζουν. Δεν υπάρχει νερό.
    Όλοι διψάνε. Xρόνια τώρα.
    Όλοι μασάνε μια μπουκιά ουρανό πάνου απ' την πίκρα τους.
    Tα μάτια τους είναι κόκκινα απ' την αγρύπνια,
    μια βαθειά χαρακιά σφηνωμένη ανάμεσα στα φρύδια τους
    σαν ένα κυπαρίσσι ανάμεσα σε δυο βουνά το λιόγερμα.

    Tο χέρι τους είναι κολλημένο στο ντουφέκι
    το ντουφέκι είναι συνέχεια του χεριού τους
    το χέρι τους είναι συνέχεια της ψυχής τους -
    έχουν στα χείλια τους απάνου το θυμό
    κ' έχουνε τον καημό βαθιά-βαθιά στα μάτια τους
    σαν ένα αστέρι σε μια γούβα αλάτι.
     

    Ces arbres sont devenus pierre et les rivières et les cris dans la chaux du soleil.
    La racine se heurte au marbre.
    Chênes empoussiérés.
    Ce mulet. Ce rocher. Haletants. Il n’y a pas d’eau.
    Tous ont soif, depuis des années.
    Tous mâchent une bouchée de ciel au-dessus de leur amertume.
    Leurs yeux sont rouges à force de veiller,
    Une ride profonde gîte entre leurs sourcils
    Comme entre deux collines, au crépuscule, un fin cyprès.

    Leur main est rivée au fusil
    Leur fusil prolonge leur main
    Leur main prolonge leur âme.
    Sur leur lèvre habite la colère
    Et le chagrin luit au fond de leurs yeux
    Comme une étoile au fond d’un creux de sel.
    Όταν σφίγγουν το χέρι,
    ο ήλιος είναι βέβαιος για τον κόσμο
    όταν χαμογελάνε,
    ένα μικρό χελιδόνι φεύγει μες απ' τ' άγρια γένεια τους
    όταν κοιμούνται,
    δώδεκα άστρα πέφτουν απ' τις άδειες τσέπες τους
    όταν σκοτώνονται,
    η ζωή τραβάει την ανηφόρα με σημαίες και με ταμπούρλα.
      Quand ils serrent les poings,
    Le soleil est certain pour le monde
    Quand ils sourient,
    Une petite hirondelle s’échappe du buisson de leur barbe
    Quand ils dorment,
    Douze étoiles tombent de leurs poches vides
    Et quand on les tue,
    La vie grimpe la pente avec tambours et drapeaux.

    Tόσα χρόνια όλοι πεινάνε, όλοι διψάνε, όλοι σκοτώνονται
    πολιορκημένοι από στεριά και θάλασσα
    έφαγε η κάψα τα χωράφια τους
    κ' η αρμύρα πότισε τα σπίτια τους
    ο αγέρας έρριξε τις πόρτες τους και τις λίγες πασχαλιές της πλατείας
    από τις τρύπες του πανωφοριού τους μπαινοβγαίνει ο θάνατος
    η γλώσσα τους είναι στυφή σαν το κυπαρισσόμηλο
    πέθαναν τα σκυλιά τους τυλιγμένα στον ίσκιο τους
    η βροχή χτυπάει στα κόκκαλά τους.

    Πάνου στα καραούλια πετρωμένοι καπνίζουν τη σβουνιά και τη νύχτα
    βιγλίζοντας το μανιασμένο πέλαγο όπου βούλιαξε
    το σπασμένο κατάρτι του φεγγαριού.

    Tο ψωμί σώθηκε, τα βόλια σώθηκαν,
    γεμίζουν τώρα τα κανόνια τους μόνο με την καρδιά τους.
    T όσα χρόνια πολιορκημένοι από στεριά και θάλασσα
    όλοι πεινάνε, όλοι σκοτώνονται και κανένας δεν πέθανε
    πάνου στα καραούλια λάμπουνε τα μάτια τους,
    μια μεγάλη σημαία,
    μια μεγάλη φωτιά κατακόκκινη
    και κάθε αυγή χιλιάδες περιστέρια φεύγουν απ' τα χέρια τους
    για τις τέσσερις πόρτες του ορίζοντα.            
     

    Depuis tant d’années, tous ont soif, tous ont faim, tous sont tués.
    Assiégés par terre et par mer
    La chaleur a dévoré leurs champs
    Le sel imprégné leurs maisons
    Le vent a jeté bas leurs portes et les pauvres lilas de la place
    La mort entre et sort par les trous de leur uniforme
    Leur langue a la rugosité d’une pomme de cyprès
    Leurs chiens sont morts avec leur ombre pour linceul
    La pluie fouette leurs ossements.

    Pétrifiés dans leur guet, ils fument la bouse et la nuit
    Scrutant le large déchaîné
    Où s’est englouti le mât brisé de la lune.

    Le pain s’en est allé, les balles s’en sont allées.
    Ils n’ont plus que leur cœur pour charger leurs fusils.
    Tant d’années assiégés par terre et par mer,
    Tous ont faim, tous succombent mais aucun d’eux ne meurt,
    Leurs yeux brillent pendant qu’ils veillent
    Et brillent un grand drapeau
    Et brille un grand feu rouge,
    À chaque aube des milliers de pigeons s’envolent de leurs mains vers les quatre portes de l’horizon.
                                                                                   
                                     Traduction de Jacques Lacarrière, Grécité, Fata Morgana, 1976
    Sang by Grigoris Bithikotsis
    Video : MrAsterios13 (ευχαριστώ).


    Όταν σφίγγουν το χέρι (Quand ils serrent les poings) :

     
    Sang by Grigoris Bithikotsis
    Video : SmileLikeYouMeanIt88 (ευχαριστώ).

    2009 est l'année centenaire de la naissance de Yannis Ritsos (1909).
    La Grèce a multiplié les hommages notamment lors de ce concert le 10 juin 2009 au theâtre  (ou odeon) Herode Atticus d'Athènes (video suivante).
    Vous verrez Mikis Theodorakis (84 ans), les chanteurs Dimitris Basis, Nena Venetsanou, Kalliopi Veta, et Alexandros Hatzis :


    Painting at the top of the article by/Tableau en haut de l'article :
                                                                                          Νίκος Δογούλης : Ο Γάμος (1979).
                                                                                          Nikos Dogoulis : Le mariage
    (1979).

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 11 Décembre 2009 à 23:17
    lizagrece
    Magnifique cet article ..; Tout y est ... C'est vraiment la ROMIOSINI (même si cet idiome n'aura jamais de traduction parfaite en Français ) ...
    Donc, disais-je, tout y est : la poésie, la lutte, le courage, l'amour de la terre et du pays, la conscience politique, et malgré tout la joie de vivre ..LA VIE ...
    Merci
    2
    Samedi 12 Décembre 2009 à 09:00
    lizagrece
    Un petit lien pour rappeler l'existence de ton blog est en ligne ce matin chez moi
    3
    Samedi 12 Décembre 2009 à 17:15
    Mireille
    Coucou je viens de chez Liza et je vais explorée votre Blog .@ plus Kenavo
    4
    Samedi 12 Décembre 2009 à 18:38
    Dornac
    Je suis contente d'avoir trouvé ce texte et très heureuse que ça plaise.
    Et.. oui, il va falloir comprendre par les textes, la musique aussi et par les Grecs, bien sûr.
    Mais c'est un peu grâce à toi et tes remarques sur la grécité... ça m'a trotté dans la tête...
    5
    Samedi 12 Décembre 2009 à 18:38
    Dornac
    Merci Liza, j'y vais.
    6
    Samedi 12 Décembre 2009 à 18:44
    Dornac
    Bienvenue, installez-vous.
    7
    Lundi 20 Décembre 2010 à 11:14
    Dornac

    Bêêê...

    Je pensais que ça me ferait rire, alors je me suis précipitée sur le lien, avec cet espoir fou que Sakis Rouvas serait drôle. Mais il a pris ça au sérieux: cette expression qu'il a dès le début, c'est remarquable l'effort qu'il fait pour avoir l'air intelligent ! Cette main, qu'il montre bien à la foule, les doigts en éventail, la paume vers le ciel (il est bien question de main dans la chanson, non?), les cheveux coiffés à la manière d'un étudiant qui s'est dépeigné à force d'avoir réfléchi, la posture de combattant à cheval, avec les petites minettes derrière et leur petit short moulant, pédalant dans le vide, les petits ballons, tout ça...  que d'efforts ! Et la force du "Ho" de "Hotan" χοταν σφιγγουν το χέρι (ha non c'est... otan?)

    Enfin, ça ne dure pas longtemps cette interprétation, on dirait qu'il n'a pas osé aller jusqu'au bout. La musique reste belle et pas grâce à Rouvas, c'est étrange parce que ça compte beaucoup l'interprétation.
    Mais qu'en pense Mikis Theodorakis, ce serait plutôt à lui de le demander ?

    Merci pour votre visite, et votre commentaire trop flatteur: vous pouvez revenir!

    P.S. j'ai regardé une deuxième fois Sakis Rouvas, je crois que cette video est un montage et ne correspond probablement pas au vrai spectacle... est-ce Rouvas qui chante? je ne crois pas.

    8
    Lundi 20 Décembre 2010 à 15:21
    Dornac

    Ah ! Moui... j'aime bien Lazopoulos mais sa voix ici... bof. Ca reste beau quand même : Théo-do-rakis !

    Ah... pour s'afti tin gitonia c'est pas mal (je commente au fur et à mesure)

    NB : pour rendre vos liens "vivants", vous pouvez cliquer sur la petite chaîne dans la barre d'outils de la fenêtre du commentaire après avoir sélectionné le mot sur lequel vous glissez ce lien, et ensuite copier/coller le lien.

    9
    Pascal
    Jeudi 18 Avril 2013 à 09:46
    Pascal

    Bonsoir,

    Je découvre ce soir avec admiration votre blog et sa très haute tenue.Je me promets d'y revenir très souvent, je n'ai fait que survoler certaines pages, complètement conquis par ce que j'y trouve. 

    J'ai parcouru rapidement la page en forme de clin d'oeil consacrée aux éphèbes de la variétoche néo-hellénique, je n'ai pas votre indulgence. 

    Alors , tombant sur la page consacrée à "Romiossini", j'ai eu une réminiscence, celle de ma sainte colère quand j'ai eu le malheur  de trouver (probablement sur "Mygreek.fm") la calamiteuse version de "Όταν σφίγγουν το χέρι" par Sakis Rouvas.  Un véritable sacrilège... Pas tant par l'interprétation, pas originale pour une drachme, mais la mise en scène à paillettes qui doit faire se retourner de rage la moitié qui est dans la terre et torturer un peu plus la moitié qui est dans les fers...

    J'ai retrouvé ce scandale...

    http://www.mygreek.fm/el/video-clip/8162/Otan-sfingoun-to-heri-%28Zontana%29

    J'espère que le lien marche..

    J'ai hâte de voir ce que va me répondre la κατσίκα.

     

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    10
    Pascal
    Jeudi 18 Avril 2013 à 09:46
    Pascal

    Voici une interprétation, qui pour être celle d'un saltimbanque de la télé n'est pas pour autant honteuse.

    Il s'agit de Lakis Lazopoulos le 17/11/2009, dans l'émission Al Tsantiri news

    http://www.mygreek.fm/el/video-clip/8784/Otan-sfingoun-to-heri-Imaste-dio/file/8784.jpg

     

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