• Katerina Fotinaki à l'Alhambra, concert du 6 février 2014

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    Mon jeudi noir s'est éclairé dans cette soirée du 6 février, au concert de Katerina Fotinaki, comme si la vibration de toutes ces cordes, de la voix au violon, de la guitare à la harpe, éloignait comme des vagues les tourments. Un souffle : celui du bandonéon.

    Katerina Fotinaki était en effet accompagnée de trois musiciens : Cécile Audebert à la harpe, Louise Jallu au bandonéon (elle a 19 ans, elle est élève de César Stroscio à l'école de musique de Gennevilliers), et Stamos Semsis (« venu spécialement de Grèce ») à l'alto. Sirène, elle chantait, elle jouait de la guitare. Elle menait sa caïque aux allures de cargo, vers les chants populaires grecs, vers les poètes. Porté par Marianthi (de Manos Hadjidakis), le public est entré à cœur ouvert dans le concert.

    Elle a posé ses notes sur un Trèfle marin (poème d'Odysseas Elytis) :

     

    Video :cargovideo

     

    C'est sur le flanc des instruments que s'agitent les grelots des mâtures, « doukou doukou », la Méditerranée embrasse trois continents, c'était comme l'Afrique.
    Elle a rallumé un Soleil de justice (Της Δικαιοσύνης Ήλιε Νοητέ),
    « n'oubliez pas mon pays, min parakalo », allégeant par miracle le rythme militaire de la chanson de Théodorakis.

    Un passage en enfance, des souvenirs, car Mia thalassa mikri (Μια θάλασσα μικρή, Ma petite mer de Dionysis Savvopoulos) est une chanson que chantent tous les petits grecs en chœur à l'école. On imagine facilement la lourdeur du chant du groupe articulant le rythme en laissant tomber chaque note comme une enclume sur les paroles « miaaa tha-la-ssa-mi-criii, miaaa tha-la-ssa-mi-criii ». Évidemment Katerina Fotinaki a fait le contraire, et la chanson est devenue superbe, elle a laissé légèrement claquer la voile sans la gonfler démesurément, si bien que son chant a suivi le vent avec finesse, souplement, sans contrainte apparente.

    Elle a dédié à Angélique Ionatos, sa « mentora », o ilios iliatoras (Soleil souverain) d'Elytis (musique d'Angélique Ionatos).

    Elle a aussi mis en musique l'Europe « démocratique » de Palamas, écrit dans l'Entre-deux-Guerres :

     

     

    Le poète de l'hymne national grec, Dionysios Solomos est aussi passé entre ses gréements:

     

    Video : Katerina Fotinaki
    Enfance bercée par Edo Lilipoupoli ?

     

    Le tango mnémotechnique (des pronoms personnels en grec ancien) composé pour ses élèves lorsqu'elle était professeur de grec ancien –ils avaient finalement retenu la musique mais pas les paroles–, avait tout autre allure avec le bandonéon. La mélancolie s'est soudainement abattue sur les pronoms possessifs !

    Pour être authentiquement antique avec l'Oreste Stasimo d'Euripide, il fallait baisser les voiles, tirer et relâcher les cordages, pataras, bastaques, aussières, luzin ou ligneroles, il fallait tout réajuster. La sonorité liquide de la harpe faisait écho à celle de la guitare, sèche comme un ressort de la corde d'un arc. Bientôt la voix cristalline de la chanteuse basculait vers les Amanes ottomanes, au mode semblable à la musique antique « depuis 23 siècles ». Et vive les cigales –  Ta tzitzikia (Elytis/Kokotos) – qui chantent que le soleil est vivant, sans ronronnement !

    Afin que nous partions en douceur pour rejoindre notre lit chaud, Katerina Fotinaki, en rappel, s'est mue en chef de chœur pour une salle en émoi, on allait fredonner en canon et à l'unisson Nani-nani, Fais dodo (Gatsos/Hadjidakis), on n'était pas mauvais, d'ailleurs.

    Au temps des cavernes on laisse passer toutes les violences, on ne résiste plus, on se désolidarise, on se toise, on se méprise, alors gardons au fond de la grotte une lueur pour nous réchauffer : Fotinaki.

     

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    Malheureusement, je n'ai pas pu rester pour voir la suite du festival avec Amor Karbasi (fado en espagnol). Le spectacle, dans le cadre du festival Au fil des voix, était présenté par Bernard Cavanna, compositeur de musique contemporaine avec qui travaille Katerina Fotinaki.

    Et quelque part en coulisse de la fabrication de son album Ta Tzitzikia (Harmonia Mundi, janvier 2014)...

     

    Video : Katerina Fotinaki

     

    Liens / Links

    Katerina Fotinaki, fiche biographique, Accords Croisés

    Festival Au fil des voix

    Interview de Katerina Fotinaki sur France Culture

    Site d'Angélique Ionatos

    Concert d'Angelique Ionatos et Katerina Fotinaki aux Lilas (2009)

    « Comme des lions de pierre à l'entrée de la nuit d'Olivier Zuchuat (2012)Yannis Ritsos : Les Vieillards * Οι Γερόντοι »
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