• Liberté de la presse en Grèce et en France : deux modèles pour les dictatures

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    Voici deux articles de Reporters sans frontières, l'un sur les incidents du 6 avril 2012 en Grèce où des journalistes ont été agressés par la police, l'autre sur la situation française où des journalistes sont victimes de harcèlement judiciaire.

     

    Tableau de Domenikos Theotokopoulos dit El Greco : Laocoon.

     

    En Grèce: Nouvelles agressions violentes et délibérées contre la presse

    (...)

    « L’accalmie aura donc été de courte durée. La police anti-émeutes, sur la sellette depuis les exactions de l’été et de l’automne dernier, semble avoir retrouvé ses réflexes répressifs. Le caractère délibéré de ces nouvelles agressions ne fait aucun doute : Marios Lolos, personnage public très connu, a été pris à partie en marge d’un rassemblement pacifique, au milieu d’un groupe de journalistes clairement identifiés. A-t-on voulu le punir pour ses activités syndicales ? Veut-on intimider l’ensemble de la presse alors que la révolte sociale grecque ne fait que s’approfondir ? Nous exigeons que toute la lumière soit faite sur ces agissements intolérables, et que les officiers coupables de voies de fait contre la presse soit sévèrement sanctionnés », a déclaré l’organisation.

    Président de l’Union des photojournalistes grecs (EFE) et photographe pour l’agence Chine Nouvelle, Marios Lolos est actuellement hospitalisé après avoir été violemment frappé à la tête par un officier de la MAT (la police anti-émeutes) à proximité de la place Syntagma d’Athènes, le 5 avril 2012. Le journaliste se trouve dans un état grave et a subi une opération de la boîte crânienne.

    D’après tous les témoignages, la situation était calme et les photojournalistes, venus couvrir un rassemblement en hommage au retraité grec qui s’était suicidé la veille, ne portaient ni casque ni masque à gaz. Le journaliste Makis Synodinos, du journal Naftemporiki, et le correspondant de Star TV Panagiotis Bousios, figurent également parmi les blessés causés par la charge délibérée d’un détachement de la MAT.

    Le 4 avril au soir, des journalistes avaient été blessés en marge d’affrontements opposant manifestants et forces anti-émeutes. Rena Maniou (Antenna TV) avait dû être évacuée en ambulance après avoir reçu un coup de matraque sur la nuque, tandis que d’autres journalistes dont Dionysis Vythoulkas (To Vima) et Giorgos Gerafentis (NET) avaient été violemment malmenés par la MAT.

    Le 25 mars 2012, Anthee Carassava (Sky News, Los Angeles Times) avait été agressée par un policier alors qu’elle couvrait une parade militaire sur la place Syntagma depuis le Parlement. Alors qu’elle était dotée de toutes les accréditations nécessaires et qu’elle se déplaçait selon les recommandations de la police, un officier de faction l’a menacée de l’éloigner de force. Le garde a ensuite cherché à s’emparer du téléphone sur lequel elle avait enregistré sa voix, et trois de ses collègues sont venus lui prêter main forte en brutalisant la journaliste avant de la traîner à l’intérieur de la cour du Parlement.

    L’agression n’a cessé que sur l’intervention d’une femme agent de police. Mais alors qu’Anthee Carassava quittait les lieux en tentant d’identifier ses agresseurs, ceux-ci l’ont emmené au poste de police et l’ont menacé de plus belle. Alors que la journaliste cherchait à comprendre à quel titre elle était enfermée dans un bureau avec eux, les policiers ont cherché à l’intimider en la menaçant d’arrestation et en lui signifiant qu’ils « faisaient ce qu’ils voulaient ».

    Le 14 septembre 2011, Reporters sans frontières avait publié un rapport d’enquête soulignant la dégradation des conditions de travail de la presse en Grèce et appelant les forces de l’ordre à respecter le travail des professionnels des médias en marge des protestations sociales.

    Voir l'article intégral sur le site de Reporters sans frontières.

     

    En France : De graves atteintes à la liberté d’informer ont lieu dans l’indifférence des candidats

    Qui, parmi les candidats à l’élection présidentielle, a réagi à la mise en examen de cinq journalistes enquêtant sur une affaire d’intérêt général aussi connue que l’affaire Bettencourt ? Qui s’est prononcé sur le placement en garde à vue de Marie Maffre alors qu’elle réalisait un documentaire sur Jeudi Noir, une association luttant contre le mal-logement, et la saisie de son matériel journalistique ? Quel candidat s’est inquiété de l’annulation de la mise en examen de Philippe Courroye, procureur de la République du parquet de Nanterre poursuivi pour atteinte au secret des sources journalistiques ? Qui s’est insurgé contre le harcèlement judiciaire subi par Christophe Grébert, conseiller municipal de Puteaux, qui tient un blog sur sa ville ? Qui osera affirmer que les réactions à la proposition présidentielle de pénaliser la consultation des sites terroristes ou violents ont été fermes et courageuses ? Tous ces événements d’actualité auraient dû, à la veille de l’élection présidentielle, permettre aux candidats de marquer leur soutien à la liberté d’information. Cela n’a pas été le cas. Les prises de position, quand il y en a eu, ont été trop timides.

    Reporters sans frontières déplore vivement que la question de la liberté de la presse soit presque totalement absente de la campagne présidentielle. Cette série d’incidents, survenus récemment, montrent pourtant que la liberté et l’indépendance des journalistes est toujours menacée, toujours à défendre : relations contrariées avec les autorités judiciaires et policières, violations du secret des sources, saisies de matériel de journalistes, poursuites et demandes de retrait de contenus, intimidations de la part d’élus politiques...

    Les recours en justice et les poursuites contre la presse sont régulières et incessantes, et ce depuis plusieurs années. La mise en examen le 29 mars 2012, par exemple, de Franz Olivier Giesbert et Hervé Gattegno, respectivement directeur et rédacteur en chef du Point, puis celle, le 5 avril, d’Edwy Plenel et Fabrice Arfi, directeur et journaliste à Mediapart, et de Fabrice Lhomme, désormais au Monde, pour “atteinte à l’intimité de la vie privée", est révélatrice d’une anomalie francaise. “Dès qu’il touche à une affaire sensible, un journaliste ou un blogueur doit se préparer à des démêlés avec la justice. Ce harcèlement est nuisible à la liberté de l’information et distille un climat qui ne peut malheureusement que favoriser l’autocensure, a déclaré Reporters sans frontières. Nous ne pouvons qu’être surpris du silence des candidats à la fonction suprême quant à des questions qui touchent au coeur même de notre démocratie, alors que les violations et abus sont réguliers. Mis bout à bout, ces derniers dressent un tableau préoccupant.”

    La liberté de la presse, qui souffre de graves manquements et de violations inacceptables dans une démocratie, devrait beaucoup plus préoccuper les candidats à la présidentielle. Reporters sans frontières rappelle dans son rapport les principales pierres d’achoppement à l’indépendance de l’information en France, classée 38e sur 179 pays dans le classement 2011/2012 de la liberté de la presse.

    Des propositions bien maigres en matière de défense de l’indépendance des rédactions et de la liberté journalistique

    Si la majorité des candidats se prononcent contre la loi HADOPI, si certains veulent mettre fin au mode de nomination actuel des présidents de l’audiovisuel public, si quelques-uns encore proposent de réformer le CSA ou de préserver l’indépendance de l’AFP, on s’étonne du manque de propositions claires pour une réforme de la loi sur la protection des sources.

    Alors que d’autres traités internationaux sont invoqués, très peu de mots sur la nécessité de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. Aucun candidat ne mentionne dans son programme la formation des forces de police au respect du droit à l’information, alors que les incidents se multiplient lors de manifestations, dans le cadre d’enquêtes préliminaires ou de réquisitions... Personne ne dénonce la difficulté pour la presse d’accéder aux centres de rétention des étrangers, alors qu’une campagne a été lancée sur ce thème et que l’actualité rappelle régulièrement que ces lieux d’enfermement posent question. Il est urgent que ces thèmes soient enfin abordés.

    Voir l'article intégral sur le site de Reporters sans frontières.

     

    Traductions en français d'articles grecs sur les blogs :

    Okeanews
        - Lettre de l'union des journalistes grecs

        - La police frappe aussi les journalistes et les photographes
        - Catastroïka : entretien avec la journaliste Katerina Kitidi co-auteure de Debtocracy

    Oulipia
        - Alerte, deuil, désinformation

        - Défiler nuit gravement à la santé
        - C'est pas du jeu  

    Sur la police anti-émeute :

    Le Monde : La France promeut un modèle anti-émeute d'exception (2009)

     

     

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  • Commentaires

    1
    Dimanche 8 Avril 2012 à 21:30
    Dornac

    Merci pour ce lien.

    2
    Lundi 9 Avril 2012 à 16:07
    Grèce à l'Ouest

    Merci pour ces deux articles, très / trop édifiants...

    3
    Lundi 9 Avril 2012 à 16:57
    Dornac

    Reporter sans frontières donne souvent l'alarme pour la France : nous sommes 38e seulement pour la liberté de la presse sur 179 pays.

    4
    oulipia
    Jeudi 18 Avril 2013 à 09:30

    Bonjour (et merci)

     

    à lire aussi : le dernier billet du blog en français Greek Crisis, rédigé par Panagiotis Grigoriou http://greekcrisisnow.blogspot.fr/2012/04/testament-politique.html#more

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