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Yannis Kondos : Le dragon parle à saint Georges
Toutes les icônes le montrent, tu vas me tuer. C'est l'après-midi, mes écailles brillent. Je ne mange que l'herbe de la lune. Le sang m'est inconnu. Je réchauffe les œufs de la cité, les habitants font des cauchemars. C'est tout ce que je fais – le reste est mensonge. Quant à la jeune fille, quant aux eaux que je tiens prisonnières, vois: ceci est un jardin avec des pommiers nains et des fraises que je n'ai pas goûtées. À présent seuls et face à face. C'est vendredi, les porcelaines de nos visages sombrent dans la nuit soudain. Je vois ma pensée: une épine dans le ciel. Je vois encore ta noire pèlerine s'ouvrir pour me recouvrir, tandis que se lève ta main tenant l'épieu. Dans d'autres circonstances, j'aurais pu être un chien dans ta cour. Sur les tableaux j'ai des ailes aux membranes vertes. Je n'ai jamais volé. Je traîne mon ventre enflé sur le sol en déplaçant la mer vers la montagne. À ce moment-là le verre de ta voix s'est brisé plantant l'épieu dans mes poumons, jusqu'au cœur. Un sang épais a jailli, teignant les chaussures d'argent des anges derrière toi sur deux rangs qui riaient. J'ai lancé le dernier sifflement – fil de nickel de la terreur. Les pommes du jardin ont mûri, sont tombées à mes pieds. Levant les yeux au ciel tu es devenu saint. Mes griffes plantées dans le sol répandent musique et parfum. J'ai fermé les yeux et j'ai vu.
Yannis Kondos, Le dragon parle à saint Georges in D'un moine anonyme, 1985.
Traduction de Michel Volkovitch in Anthologie de la poésie grecque contemporaine, Gallimard.
Les tableaux sont de Péris Iérémiadis (Πέρης Ιερεμιάδης)
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Tags : Yannis Kondos, Poésie grecque contemporaine, σύγχρονη ελληνική ποίηση, greek contemporary poetry, greek poet, Peris Ieremiadis
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Commentaires
Très beau texte, qui me fait penser à une nouvelle de Borges, Césarion, si je me souviens bien : c'est le Minotaure qui raconte aussi son histoire ... Et merci pour le lien Kondos.
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Une très jolie maniètre de raconter une légende. Quelques mots simples, des images poétiques sans cette emphase qui nuit parfois aux récits.