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Gatsos et Hadjidakis : Kemal
Le texte de Nikos Gatsos fait-il référence à Mustafa Kemal Attatürk ? Non, indiscutablement car Manos Hadjidakis aurait écrit au sujet de cette chanson : À New York, pendant l'hiver de 1968, j'ai rencontré un jeune Kemal de 20 ans. Quelqu'un l'a présenté à moi. Que de lourds souvenirs chargent le nom de ce si jeune et beau garçon, ai-je pensé ! Il avait quitté son pays pour des raisons politiques. En réalité, j'ai imaginé qu'il voulait se perdre en Amérique (...) Plus tard, Gatsos, écrivant les textes en grec, a fait de lui un prince arabe qui défend le faible. Une sorte d'Errol Flynn de 1935. (voir la totalité de la citation dans les commentaires).
Tableau en tête d'article de Nikolaos Gyzis : Guerrier oriental, 1842
Νικόλαος Γύζης : Ανατολίτης πολεμιστής, 1842Cette fois, c'est le texte qui s'est posé sur la musique. Elle avait connu au départ le texte anglais du groupe New York Rock & Roll Ensemble (1970).
Écrit par Martin Fulterman:
This is the story of foolish Prince Bass Fiddle and wise Jerry Kemal.
As you remember, last time, the Prince was found without a dime
on the Ponce Valdez while Jerry
watched from a tree...
In the land of Ali Baba near the Sea of Babalee,
Lived a man who played the zither with a pronoun on his knee.
He would dance among the fuzzy trees and bring the birds to life
And his name was Prince Bass Fiddle and he loved his ugly wife.
He would sing the songs of Lutvee in his very special way
And he puffed tea with his lumpy head and sleep all night and day.
With his turban and his leicester faced the thieves of Germany
But beware great Prince Bass Fiddle, you'll be hanging from a tree.
Fifty days and nights they waited for a sign from old Ratan
To pretend to wear the colours of the Emperor Charlie Chan.
So they strolled into the forest with a song and energy
To find bay leaves in the cauldron of the mad witch Betty Lee.
Came the answer from a leaf top that was found upon the ground
"Only time and Prince Bass Fiddle will repair your bellies round.
Search the highlands search the lowlands, cruise the Sea of Babalee,
But remember that your children need the food from filigree."
Then one day in Abalone came a messenger to say
That onion-head Bass Fiddle broke in half no more to play.
Will we lose our land of Lutvee to the bearded men of Cleaves?
Only miracles can save us and some tricks inside our sleeves.
From the sky there was an answer to the question of the plebes
"You will meet a tall dark stranger wearing black and blue cannives.
Who is Lucy, who is Nestor? We should only be there now.
Why it's Aphrodite Milton and his keeper Prince Kemal.Goodnight Kemal, good night...
Nikos Gatsos a ensuite écrit le texte suivant :
Κεμάλ
Ακούστε τώρα την ιστορία του Κεμάλ
ενός νεαρού πρίγκηπα της Ανατολής,
απόγονου του Σεβάχ του θαλασσινού,
που νόμισε ότι μπορεί να αλλάξει τον κόσμο.
Αλλά πικρές οι βουλές του Αλλάχ
και σκοτεινές οι ψυχές των ανθρώπων.
Στης Ανατολής τα μέρη μια φορά και έναν καιρό
ήταν άδειο το κεμέρι, μουχλιασμένο το νερό.
Στη Μοσούλη, τη Βασόρα , στην παλιά τη χουρμαδιά
πικραμένα κλαίνε τώρα της ερήμου τα παιδιά.
Κι ένας νέος από σόι και γενιά βασιλική
αγροικάει το μοιρολόι και τραβάει κατά εκεί.
Τον κοιτάν οι Βεδουίνοι με ματιά λυπητερή
κι όρκο στον Αλλάχ τους δίνει,
πως θ'αλλάξουν οι καιροί.
Σαν ακούσαν οι αρχόντοι
του παιδιού την αφοβιά
ξεκινάν με λύκου δόντι
και με λιονταριού προβιά.
Απ' τον Τίγρη στον Ευφράτη
κι απ' τη γη στον ουρανό
κυνηγάν τον αποστάτη
να τον πιάσουν ζωντανό.
Πέφτουν πάνω του τα στίφη,
σαν ακράτητα σκυλιά
και τον πάνε στο χαλίφη
να του βάλει τη θηλιά.
Μαύρο μέλι μαύρο γάλα ήπιε εκείνο το πρωί
πριν αφήσει στην κρεμάλα
τη στερνή του την πνοή.
Με δυο γέρικες καμήλες
μ' ένα κόκκινο φαρί
στου παράδεισου τις πύλες
ο προφήτης καρτερεί.
Πάνε τώρα χέρι χέρι
κι είναι γύρω συννεφιά
μα της Δαμασκού
τ΄ αστέρι τους κρατούσε συντροφιά.
Σ' ένα μήνα σ' ένα χρόνο
βλέπουν μπρος τους τον Αλλάχ
που απ΄ τον ψηλό του θρόνο
λέει στον άμυαλο Σεβάχ:
«Νικημένο μου ξεφτέρι δεν αλλάζουν οι καιροί,
με φωτιά και με μαχαίρι πάντα ο κόσμος προχωρεί»
Καληνύχτα Κεμάλ, αυτός
ο κόσμος δε θα αλλάξει ποτέ.
Καληνύχτα...Kemal
Écoutez maintenant l'histoire de Kemal
un jeune prince d'Anatolie
descendant de Sinbad le marin
qui croyait pouvoir changer le monde.
Mais les projets d'Allah sont amers
et obscur l'esprit des hommes.
Dans une contrée d'Orient, il était une fois
il était une bourse vide, une eau stagnante
à Mossoul, à Bassorah, dans l'ancienne palmeraie
Les enfants du désert pleuraient amèrement.
Ainsi, un jeune homme de sang royal
s'avança vers les lamentations qu'il entendait.
Les bédouins le regardèrent avec des yeux tristes
au nom d'Allah il leur promit
que les temps changeraient.
Quand les chefs entendirent
l'audace du jeune homme
ils marchèrent avec des dents de loup
et une peau du lion.
Du Tigre à l'Euphrate,
puis de la terre au ciel
ils pourchassèrent le renégat,
pour le capturer vivant.
Les hordes tombent sur lui,
comme des chiens enragés
et l'emmènent au calife,
pour lui mettre la corde au cou.
Ce matin-là il but miel noir, lait noir
avant d'être abandonné à la potence,
à son dernier souffle.
Avec deux vieux chameaux
à la toison rousse
vers les portes du paradis
où le prophète l'attend.
Ils vont maintenant main dans la main,
dans un ciel nuageux
mais l'étoile de Damas
leur tenait compagnie.
Au bout d'un mois, d'une année,
ils voient devant eux Allah
qui depuis son trône élevé
dit à l'écervelé Sinbad:
« mes chers vaincus, les temps ne changent pas
le monde s'entête avec le feu et le glaive »
Bonne nuit Kemal,
ce monde ne changera jamais.
Bonne nuit ...Traduction personnelle (autres propositions
bienvenues :voir commentaires)
Autre traduction disponible iciLa chanson a d'abord été interprétée par Aliki Kagialoglou (Αλίκη Καγιαλόγλου):
Alkinoos Ioannidis a reçu de Manos Hadjidakis la bénédiction (et des compliments) pour interpréter la chanson comme en témoigne le chanteur dans la video suivante :
La chanson sans l'interview de Ioannidis :
Mario Frangoulis :
Liens / Links
Plus d'informations sur cette chanson : VOIR LES COMMENTAIRES
Nikos Gatsos (1911-1992) : biographie de wikipedia (en français)
Amorgos In English : nauplion.net Nikos Gatsos sur ce blog : Nikos Gatsos : Καίγομαι* Je brûle (rébétiko)
D'autres poèmes de Nikos GatsosAmorgos en grecLa dimension familière de la poésie insulaire de Nikos Gatsos (Lisa Mamakouka)Manos Hadjidakis, son site
L'album Reflection (wikipedia)
Biographie de Manos Hadjidakis (wikipedia)
Biographie sur son site (in english)
Tags : Nikos Gatsos, Kemal, Poésie grecque contemporaine, σύγχρονη ελληνική ποίηση, greek contemporary poetry, greek poet, Hadjidakis
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Commentaires
Bien sûr, avec pour argument que les zones concernées appartenaient à l'empire byzantin qui avait précédé l'empire ottoman.
Oui, c'est vrai que Mossoul et Bassorah sont en Irak, "anatoli" signifie "est" mais pourquoi pas puisqu'il s'agit de Kemal (c'est la seule raison qui m'a décidée)?
Merci pour cette remarque, je vais changer quand même, par soucis de clarté.
Par ailleurs, est-ce que "kemal" a une autre signification ? (ce qui vous donnerait totalement raison). Je me pose la question du coup... Si c'est juste un prénom comme un autre, pourquoi avoir choisi celui-là qui est très marqué et symbolique ?
C'est le nationalisme qui hérisse le poil à cause des racismes divers qu'il entretient.
On peut préférer le patriotisme au nationalisme, peut-être ?
Non, je ne trouve pas ce portrait bienveillant. Je le trouve inquiétant. Inquiétant et beau. C'est pour ça que je l'ai choisi.
La chanson se veut universelle (anti-guerre) mais j'y vois une ironie à l'égard de Kemal: un homme qui se donne de bonnes intentions pour faire la guerre et qui fait des promesses qu'il ne peut tenir (la révolution est toujours une grande promesse). Un bel homme pour une belle idée, inquiétant pour la réalité de ses actes (pour revenir au lien entre l'image et le texte).
Merci pour votre témoignage.
Je me défends jusqu'au bout : Symboliquement (évidemment ce n'est pas la vie de Kemal)... pourquoi avoir choisi un nom aussi marqué même si c'est commun?
Au temps pour moi (et mea culpa), j'ai trouvé une citation de Manos Hadjidakis qui me contredit (sauf au début où il parle de la mémoire de ce nom, de son importance). Il y a une allusion aux Turcs de toutes façons et à l'histoire séculaire entre l'Empire ottoman et la Grèce.
J'ai traduit la citation grosso modo à la fin:
Στη Νέα Υόρκη το χειμώνα του ΄68, συνάντησα ένα νέο παιδί είκοσι χρονών που το λέγανε Κεμάλ. Μου τον γνωρίσανε. Τί μεγάλο και φορτισμένο από μνήμες όνομα για ένα τόσο όμορφο και νεαρό αγόρι, σκέφθηκα. Είχε φύγει απ΄ τον τόπο του με πρόσχημα κάποιες πολιτικές του αντιθέσεις. Στην πραγματικότητα, φαντάζομαι, ήθελε να χαθεί μέσ΄ στην Αμερική. Του το είπα. Χαμογέλασε.
-Δέχεστε να σας ξεναγήσω;
Αρνήθηκε ευγενικά. Προτιμούσε μόνος.
Κι έτσι σαν γύρισα στο σπίτι μου τον έκανα τραγούδι, μουσική.
Ο Γκάτσος εκ των υστέρων, γράφοντας τους στίχους στα ελληνικά, τον έκανε Άραβα πρίγκιπα να προστατεύει τους αδυνάτους. Κάτι σαν μια ταινία του ΄Ερολ Φλυν του ΄35.
Η Πελοπόννησος (καταγωγή του Γκάτσου), από τη φύση της αδυνατεί να κατανοήσει την αμαρτωλή ιδιότητα των μουσουλμάνων Τούρκων, που μοιάζουν σαν ηλεκτρισμένα σύννεφα πάνω απ΄ τον Έβρο, ή σαν χαμένα και περήφανα σκυλιά.
Το μόνο που αφήσαμε ανέπαφο στα ελληνικά είναι εκείνο το «Καληνύχτα Κεμάλ». Είτε πρίγκιπας Άραψ είτε μωαμεθανός νεαρός της Νέας Υόρκης, του οφείλουμε μια «καληνύχτα» τέλος πάντων, για να μπορέσουμε να κοιμηθούμε ήσυχα τη νύχτα. Χωρίς τύψεις, χωρίς άχρηστους πόθους κι επιθυμίες. Κατά πως πρέπει σ΄ Έλληνες, απέναντι σ΄ ένα νεαρό μωαμεθανό- όπως θα έλεγεν κι ο φίλος μας ο ποιητής ο Καβάφης.En français :
En français :
À New York, pendant l'hiver de 1968, j'ai rencontré un jeune Kemal de 20 ans. Quelqu'un l'a présenté à moi. Que de lourds souvenirs chargent le nom de ce si jeune et beau garçon, ai-je pensé ! Il avait quitté son pays pour des raisons politiques. En réalité, j'ai imaginé qu'il voulait se perdre en Amérique. Je le lui ai dit et il a souri. « tu veux que je te fasse visiter ? »
Il a poliment refusé. Il a préféré être seul.
Et ainsi quand je suis retourné chez moi, je l'ai transformé en chanson, en une musique.
Plus tard, Gatsos, écrivant les textes en grec, a fait de lui un prince arabe qui défend le faible. Une sorte d'Errol Flynn de 1935.
Les gens du Péloponnèse, d'où vient Gatsos, par nature ne peuvent pas comprendre les qualités des Turcs musulmans, comme des nuages électrifiés au-dessus de la rivière Evros, ou des chiens perdus et fiers.
La seule chose que nous avons laissée intacte c'est le « bonne nuit, Kemal ». Qu'il soit un prince arabe ou un jeune musulman à New York, nous lui devons une « bonne nuit », de sorte que nous puissions aussi dormir paisiblement la nuit. Sans regrets, sans désirs inutiles, comme devraient le faire les Grecs à l'égard d'un jeune musulman – comme l'aurait dit notre ami le poète Cavafis.J'espère que cette citation de Manos Hadjidakis est juste. Elle vient de ce forum.
11pascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:29Moui, ouvrir la page sur le visage de Mustapha Kemal, certes natif de Salonique, ce qui justifierait à la rigueur sa présence, ça jette un froid. (D'ailleurs, avez vous remarqué la bienveillance et l'humanité de ce portrait officiel ? -même sur les photos, il a de toutes façons ce regard d'exalté-)
Au crédit du personnage, ses valeurs républicaines, son mépris pour l'endoctrinement religieux, mais à son débit, tant de choses...
Un élément étrange et intéressant, certains disent qu'il est issu du groupe des Dönme, ces Juifs sectateurs du "faux prophète" Sabbetaï Tzvi, convertis au 18ème siècle à l'Islam, mais jamais oublieux de leurs origines. Leur objectif en se convertissant (Cf le roman de Isaac Bashevis-Singer "La corne du bélier") était d'obliger Dieu à réagir et à envoyer le Messie en constatant la totale dégénérescence du peuple élu. Dans le même esprit, ils se livraient à la débauche...
J'ai discuté à Haïfa avec un vieux bonhomme(juif) dont le père, ébéniste, avait un jour été convoqué à Smyrne (bon, Izmir...) pour aménager un appartement où allait séjourner Attaturk. Normalement, il devait être gardé en otage tout le long du séjour du "Père" pour garantir qu'il n'avait pas piégé l'appartement en y cachant une bombe ou autre chose. Attaturk, m'a raconté ce vieux bonhomme, est intervenu pour lui permettre d'être libéré quand même: il lui a fait jurer , en utilisant des formules que seuls connaissent les familiers du judaïsme, qu'il n'avait pas posé de bombe. C'était pour lui la preuve qu'il était un juif converti. Ce qui ne confirme pas nécessairement la version d'Attaturk Dönme, parce qu'il est né et a vécu à Salonique, ville où les Juifs étaient culturellement dominants, jusqu'à ce que les nazis les anéantissent presque tous.
Encore une concession: Les Juifs n'ont pas eu à souffrir sous le Kemalisme...
Bon, par ailleurs je ne trouve pas du tout que la chanson soit une allusion à Mustapha Kemal.
Je sais que vous ne l'appréciez guère, mais cette version est quand même pas mal.
12pascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:29Je crois qu'il faut plutôt traduire Στην ανατολή par "En orient", l'Anatolie n'est ici pas concernée...
Jolie chanson de Théodorakis, chantée par Kazantzidis ou par Glikéria
13pascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:29Kamil, Kamal, Kamel, Kemal, Cemil, Gamal, Djamel, etc... est une des appellations du Prophète : le parfait, l'accompli, l'achevé / la plénitude.
Je crois me souvenir que Mustapha Kemal disait de l'Islam que c'était une religion de nomades analphabètes, ce qui n'est pas vraiment un compliment...
Je ne "sens" pas l'allusion à Attaturk, qui n'a pas non plus connu de destin comparable au personnage de la chanson.
(Quant au regard profondément humain et compatissant de Kemal, c'était une boutade...)
14pascalJeudi 18 Avril 2013 à 09:29La "grande Idée" peut effectivement hérisser le poil. Dans le même temps, la Grèce a mis plus de cent ans à établir son territoire actuel , héritage de son dépeçage séculaire.
Des populations ont été massacrées et déportées, ceux d'Ionie, ceux du Pont, et plus récemment les Chypriotes, et leurs droits bafoués...
Les Albanais, les Kurdes vivent toujours le même problème, ce qui n'incite pas au pacifisme. Le droit du fait accompli dans ce domaine est toujours insupportable.
15FANNYJeudi 18 Avril 2013 à 09:29Moi, non plus, je ne vois pas d'allusion avec Attaturk !
Je suis etonnee par les connaissances de Pascal :-O , il est admirable !!!
FANNY.
16FANNYJeudi 18 Avril 2013 à 09:29
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la "grande idée" comme il est dit ici, consistait à participer au dépeçage de feu l'empire ottoman.il est concevable que les Turcs ne se soient pas laissés faire.
Même si tout ça s'est accompagné d'horreurs.