• Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris (2015)

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Le 13 octobre 2015 et pendant trois jours, le chorégraphe grec Dimitris Papaoïannou a présenté aux Parisiens du Théâtre de la Ville un magnifique spectacle poétique très original et drôle.

    Avec pour fil conducteur le mythe de Sisyphe et pour support le tableau, Still Life (« Nature morte ») offre aux danseurs une entrée en matière, au sens propre.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Dimitris Papaïoannou a une formation de plasticien : il a fait l'école des Beaux-Arts d'Athènes sous la direction de Dimitris Mytaras et Rena Papaspyrou. Il a également étudié aux côtés du peintre Yannis Tsarouchis et a reçu un prix en 1990 à Marseille pour les jeunes artistes. C'est plus tard qu'il a choisi d'être danseur et chorégraphe.

     

    Still Life est un rêve construit à partir d'images fortes et qui sourd encore au réveil sans qu'on puisse en donner la raison.
    Le chorégraphe joue avec les quatre éléments de la philosophie présocratique (l'eau, l'air, la terre, la feu), avec l'infiniment grand et l'infiniment petit, l'atome et l'univers.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     Photo : Dimitris Theodoropoulos

     

    Carré blanc sur fond noir et les métamorphoses de Sisyphe.

    Un homme seul déplace son tableau blanc comme Sisyphe son rocher. Il est bientôt rejoint par d'autres danseurs qui comme lui sont des acrobates qui se déplacent avec et autour du cadre – le tableau – y entrent, s'y encastrent, en sortent, dansent avec les objets, tentent de fusionner et faire parler les textures, des textures qui font tousser, par lesquelles on est habituellement pénétré sournoisement. Ces « matériaux pauvres », le plâtre, la brique couleur béton sont mis en scène dans une configuration qui rappelle l'arte povera (voir les œuvres de Yannis Kounellis).

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Les danseurs sont aussi les musiciens : ils exécutent une musique concrète faite du son des craquements d'un bloc de plâtre, des poussières de ce plâtre tombant sur le sol et écrasées par les chaussures, des froissements doux et stridents, des déchirures, de la plainte irritante du fil inflexible métallique qu'on décolle du sol, de l'air qui passe entre les tissus, les plastiques, de l'ondulation des matières, du choc des blocs.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

     Incessamment, il s'agira de s'interroger sur le fait de sortir du cadre ou y rester encastrer sous forme de triskèle, de pieuvre et autres coureurs qui sillonnent les décorations des vases antiques, de jouer à cache-cache avec l'Autre en prenant sa place, en se transformant, en s'accouchant et d'ajouter une pierre à un édifice invisible, monter les marches d'un palais absent, faire le travail absurde de l'Homme.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     Photo : Euripides Laskaridis

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     Photo : D. Theodoropoulos

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Un vent liquide, un fantôme qui s'éloigne, l'eau et l'air se mélangent.

    Dimitris Papaïoannou utilise aussi des « matériaux nobles », messagers d'espoir, supports de rêves : voile soyeux qui, en gonflant, prend des aspects liquides, plastique translucide dont l'agitation souffle et sculpte le drapé de la tunique d'une femme.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Cette statue prend l'air, elle est immobile, sa tunique vibrante la rend vivante. Vision fantomatique à laquelle succède une statue antique dressée sur un phallus formé de la fente du dos et des fesses d'un danseur qui courbe sous le poids de celle-ci. Et le temps se couvre, quelque chose mugit.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Les sourciers soucieux scrutent scrupuleusement la terre pour en tirer des fils électrisants, ils semblent tracer des lignes puis déchirent le sol, puis déchirent la terre, le bruit s'amplifie : on ne sait plus s'ils tirent des fils ou percent des trous, leur ballet est destructeur, le bruit du sol arraché, obsessionnel, produit le bruit d'une tempête, puis un cataclysme en s'amplifiant.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Les personnages semblent rétrécir sous le ciel, creuser des tunnels, ils fourmillent, le tonnerre et la foudre grossissent avec leurs pas, avec la force de leurs bras. Le ciel voilé pèse de plus en lourd et les oblige à se courber encore.

    Nous sommes les seuls responsables de nos catastrophes.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Enfin, la tempête se lève et le voile devient bulle de voile, s'agite et remonte, semble être une mer infinie à l'envers, au ciel (mais le ciel n'est-il pas une mer?). Un soulagement intense envahit le spectateur – et c'est comme si on sentait l'air entrer d'un coup dans les poumons, on respire de ne plus voir les hommes courbés, de ne plus entendre l'air se fracturer et s'enflammer.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Les hommes caryatides – démarche virile, méditerranéenne – portent la table des agapes : on bavardera, on mangera et on boira, sans doute, l'ouzo.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Dans ce spectacle en noir et blanc où les danseurs habillés de noir sont marqués en haut du dos d'un trait blanc du ciel – comme la marque de la voûte céleste ou comme celle du rocher – , les tonalités de gris sont nuancées par la couleur de la peau, par celle d'un soleil orange fondu, dilué dans un brouillard.

     

    Still life : Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la Ville à Paris

     

    Le noir et blanc et l'absence d'instruments de musique traditionnels auraient pu nous mettre dans une situation de « manque », car c'est l'habillage habituel des spectacles. Or cette chorégraphie est pleine, elle parle beaucoup alors qu'on n'ouvre pas la bouche, elle est d'une grande beauté. Les sensations multiples et fortes viennent de l'intérieur et restent en nous comme une onde, grave, qui vibre longtemps.

     

     Photos : Dimitris Theodoropoulos, Euripides Laskaridis, Miltos Athanasiou, Maria Peteinaraki.

     

    Le spectacle a été créé en 2014.

    Εικαστική σύλληψη - σκηνοθεσία - κοστούμια - φωτισμοί: Δημήτρης Παπαϊωάννου

    Ερμηνεία: Καλλιόπη Σίμου, Παυλίνα Ανδριοπούλου, Δημήτρης Παπαϊωάννου, Προκόπης Αγαθοκλέους, Δρόσος Σκώτης, Μιχάλης Θεοφάνους, Κώστας Χρυσαφίδης, Χρήστος Στρινόπουλος.

    ηχητική σύνθεση: Γιώργος Πούλιος

    το σκηνικό σχεδιάστηκε σε συνεργασία με τους Δημήτρη Θεοδωρόπουλο και Σοφία Ντώνα

    ο επανασχεδιασμός του σκηνικού για την περιοδεία έγινε από τον Θανάση Δεμίρη

    γλυπτική - ζωγραφική: Νεκτάριος Διονυσάτος
    τα κοστούμια σχεδιάστηκαν σε συνεργασία με τη Βασιλεία Ροζάνα

    βοηθός σκηνοθέτη - διεύθυνση & εκτέλεση παραγωγής:
    Τίνα Παπανικολάου.

        

    Conception artistique - direction - costumes - lumières:
    Dimitris Papaïoannou

    Interprètes: Kalliopi Simou, Paulina Andrinopoulou, Dimitris Papaïoannou, Prokopis Agathokleous, Drossos Skotis, Michalis Theophanous, Kostas Chrysaphidis, Christos Strinopoulos.

    Composition sonore : Yorgos Poulios

    Conception scénique en collaboration avec Dimitris Theodoropoulos et Sophia Dona

    Adaptation scénique de Thanassis Demiri

    Sculpture-peinture : Nektarios Dionysatos
    Les costumes ont été conçus en collaboration avec Vassileia Rozana

    Assistant à la mise en en scène, direction et producteur exécutif:
    Tina Papanikolaou.

                                                                                            

     


    STILL LIFE (2014) / 2015-2016 performances / trailer

    from Dimitris Papaioannou on Vimeo.

     

     

    Liens/ Links

    Dimitris Papaïoannou (website)

    Dimitris Papaïoannou au Théâtre de la ville

    Dimitris Papaïoannou est le chorégraphe des Jeux Olympiques d'Athènes (2004)
      « Pour les JO, ils sont venus me chercher dans un squat, La Maison des artistes, que j’avais réhabilitée et où je travaillais depuis dix-sept ans avec ma compagnie, le Edafos Dance Theatre, précise-t-il. Aujourd’hui, je travaille en free-lance et je fais ce que je veux. J’ai beaucoup de chance. » (www.lemonde.fr

    Articles en français :

    Laurine Mortha dans Bachtrack.com
    Rosita Boisseau dans Le Monde 
    Jean-Marie Gourreau dans Critiphotodanse

    Articles en grec:
    naftemporiki.gr
    dancepress.gr

     

     

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 8 Avril 2016 à 13:36

    Pendant qu'à Paris vous avez la chance d'accueillir Papaioannou nous, ici, nous nous sommes farcis les délires de Jan Fabre. Heureusement cela n'a pas duré longtemps. Il est parti !

      • Vendredi 8 Avril 2016 à 14:31

        Je ne connaissais pas Jan Fabre.

        Ce sont les échanges culturels internationaux...

        Mais Dimitris Papaïoannou est passé en Grèce heureusement aussi, au Pirée.

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    2
    Vendredi 8 Avril 2016 à 15:05

    Non l'histoire de Jan Fabre n'est pas un échamge international. Cet artiste Belge Flamand et néanmoins très "parisien" a été nommé Directeur du Festival d'Athènes Epidaure avec un budget de 5 millions alors que la précédente équipe n'avait eu que 400 000 euros. Jan Fabre,  a donné une conférence de presse dans un site archéologique prestigieux, sous le drapeau Belge, pour la présentation de " son"  Festival. Sa programmation ne prévoyait que   30 % en faveur de la création grecque, se laissant la part belle à ses propres créations en invitant au passage le gratin Parisien. En plus il a déclaré ne pas être un gestionnaire ce qui est inquiétant quand on vous confie des fonds publics. 300 artistes Grecs se sont réunis et ont dénoncé cette situation. Cela n'a pas plu a Jan Fabre qui est parti en claquant la porte. Parallèlement, il avait  présenté un clip avec son nouveau projet . Tu pourras le trouver sur Internet sous le nom de SYRTAKI. Ce clip a déchainé la foudre du public. Un nouveau directeur a été nommé. Grec cette fois.  Parce que c'est  un comble : nommer un directeur étranger dans le pays où est né le théâtre ... Mais la colonisation culturelle existe. Seulement ici, cela n'a pas marché et c'est tant mieux !

     

      • Samedi 9 Avril 2016 à 18:22

        Merci Liza.

         

    3
    Mardi 12 Avril 2016 à 20:43

    Passionnant billet, merci !

      • Dimanche 8 Mai 2016 à 16:51

        Merci (tardif).

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