• Nikos Kavvadias : Esmeralda

    Vasilis-Sprantzas-1.jpg

     

    ESMERALDA

    À Yòrgos Sefèris

    Tu l'abreuvas du vin de Midas jusqu'à l'aube,
    tandis que le berçait le phare aux trois éclairs.
    Le maître d'équipage, un anneau dans le lobe;
    au loin, le port de Sousse obscur, et le désert.

    Aux premières lueurs le noyé t'étreignit ;
    la cloche à ton réveil saluera ta noyade.
    À la moindre caresse un nœud de sang jaillit
    des traces qu'a laissé l'ancienne estafilade.

    Le perroquet t'a dit son ultime « bye, bye »,
    le soutier dans sa cale à l'instant s'exclama,
    Ton vieux couteau rouillé, fous-le donc à la baille,
    et va-t-en toute seule te pendre au grand-mât!

    L'hélice écrit « Je te trahis » dans le sillage,
    et la barre à son tour en grinçant renchérit.
    L'as-tu noyé de nuit à Londres, sur le Tage,
    ou dans les eaux souillées de quelque port pourri?

    Les marins des grands fonds pour l'assaut se réveillent,
    ils vont venir peigner tes cheveux à jamais.
    Aiguise cette épée de mots qui m'émerveille,
    et rentre dans la grotte aux phoques désormais.

    Trois jours ils t'ont clouée, trois jours, mais les clous sautent,
    et toi, obstinément, fermant tes poings rageurs,
    t'efforces de chasser, en vain, les vagues hautes
    qui nous entraînent vers les feux des naufrageurs.

     

    ΕΣΜΕΡΑΛΔΑ

    Στον Γιώργο Σεφέρη

    Ολονυχτίς τον πότισες με το κρασί του Μίδακι
    κι
    ο φάρος τον ελίκνιζε με τρεις αναλαμπές.
    Δίπλα ο λοστρόμος με μακριά πειρατική πλεξίδα
    κι αλάργα μας το σκοτεινό λιμάνι του Cabes.

    Απά στο γλυκοχάραμα σε φίλησε ο πνιγμένος
    κι όταν ξυπνήσεις με διπλή καμπάνα θα πνιγείς.
    Στο κάθε χάδι κ' ένας κόμπος φεύγει ματωμένος
    απ' το σημάδι της παλιάς κινέζικης πληγής.

    Ο παπαγάλος σου 'στειλε στερνή φορά το «γεια σου»
    κι απάντησε απ' το στόκολο σπασμένα ο θερμαστής, πέτα στο κύμα τον παλιό που εσκούριασε σουγιά σου
    κι άντε μονάχη στον πρωραίον ιστό να κρεμαστείς.

    Γράφει η προπέλα φεύγοντας ξοπίσω : «Σε προδίνω»,
    κι ο γρύλος το ξανασφυράει στριγγά του τιμονιού.
    Μη φεύγεις. Πες μου, το 'πνιξες μια νύχτα στο Λονδίνο
    ή στα βρωμιάρικα νερά κάποιου άλλου λιμανιού;

    Ξυπνάν οι ναύτες του βυθού ρισάλτο να βαρέσουν
    κι απέ να σου χτενίσουνε για πάντα τα μαλλιά.
    Τρόχισε εκείνα τα σπαθιά του λόγου που μ' αρέσουν
    και ξαναγύρνα με τις φώκιες πέρα στη σπηλιά.

    Τρεις μέρες σπάγαν τα καρφιά και τρεις που σε καρφώναν
    και συ με τις παλάμες σου πεισματικά κλειστές στερνή φορά κι ανώφελα ξορκίζεις τον τυφώνα
    που μας τραβάει για τη στεριά με τους ναυαγιστές.

                                                                                                     
              

    Traduit du grec par Michel Volkovitch, d'après le recueil Brume.

      Νίκος Καββαδίας, συλλογή Πούσι, 1947.

     

     Yorgos Dalaras chante le poème sur une musique de Thanos Mikroutsikos :

     

     

    La voix de Yannis Koutras :

     

     

    Painting at the top of the article / Tableau en tête d'article :
                                                          Βασίλης Σπεράντζας, Γυναίκα με βεντάλια
                                                          Vasilis Sperantzas, Femme à l'éventail.

     

    Liens / Links : kavvadias3.jpg Nikos Kavvadias

    Biographie de l'auteur sur Wikipedia

    Blog Καλώδια: Lire Kavvadias en grec.

    Site du traducteur (et poète) M. Volkovitch

    Blog sur Nikos Kavvadias (en grec)

    Blog de France 3

    Sur Kavvadias (projethomère.com)

     

    Sur ce blog :

    Autres poèmes de Nikos Kavvadias

    Un couteau * ένα μαχαίρι

    Marabout

     

    « Constantin Cavafis : La table voisine * Το Διπλανό ΤραπέζιConstantin Cavafis : Rappelle-toi mon corps »
    Partager via Gmail Yahoo! Google Bookmarks Pin It

    Tags Tags : , , , , ,
  • Commentaires

    1
    Dimanche 27 Juin 2010 à 21:36
    lizagrèce

    Sensuel et violent ce poème.

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    2
    Dimanche 27 Juin 2010 à 22:16
    Dornac

    Je crois que ce poème parle de la sirène qui se trouve sur la proue des navires. Cette sirène, Kavvadias en parle dans Le Quart et dans d'autres poèmes en disant qu'elle s'est détachée pour rejoindre la mer. C'est symbolique bien sûr.

    Kavvadias aime beaucoup les femmes. On le sent dans Le Quart (je suis en train de le lire). Les marins de son roman (qui ressemble d'ailleurs à une suite de nouvelles) préfèrent les filles de joie à leur femme (qui les trompe pendant leur absence) mais ne les respectent pas forcément pour autant.

    3
    Dimanche 27 Juin 2010 à 22:44
    lizagrèce

    Je me suis régalée en lisant "Le Quart". C'est dommage qu'il n'ait écrit que celui-ci. Ceci étant je trouve que c'est un chef-d'oeuvre

    4
    Mardi 29 Juin 2010 à 08:57
    Dornac

    Je livrerai mes impressions quand j'aurai terminé (et quand j'aurai le temps aussi). Je lis plusieurs ouvrages en même temps. J'aime beaucoup Kavvadias.

    5
    Lundi 12 Septembre 2011 à 16:15
    Dornac

    C'est mieux que dans la même galère !

    6
    FANNY
    Jeudi 18 Avril 2013 à 09:44
    FANNY

    JE L'ADORE!!!!!!!!!!!!

    Et il m'est si familier, comme si on etait des amis ou come si on travaillait sur le meme bateau.....................

    FANNY.

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :